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plusieurs mois entre Londres et Berlin au sujet des îles Samoa : elle a finalement abouti à un résultat que l’Allemagne juge satisfaisant, et que tous ses journaux considèrent comme un succès. C’en est un, en effet ; mais il ne faut pas en exagérer l’importance. Les îles Samoa sont peu de chose ; lord Salisbury, suivant sa coutume un peu narquoise, n’a pas manqué de le faire remarquer en les cédant ; et il y a sans doute dans l’intérêt si vif que l’empereur Guillaume a témoigné à cette poussière d’archipel le souvenir de déboires dont sa politique y avait d’abord été abreuvée. Son amour-propre en avait souffert et avait besoin d’une réparation. Il suffisait qu’une négociation existât, et qu’elle se prolongeât, pour que la diplomatie allemande en fût, dans une certaine mesure, gênée et paralysée sur d’autres points. Grâce à cela, l’Angleterre a pu s’affranchir, au moins pour le moment, des préoccupations que pouvaient lui causer les ambitions germaniques, et, de ce côté encore, elle ne devait plus trouver sur sa route d’obstacles immédiats. L’abstention de l’Allemagne lui assurait celle du reste de l’Europe. Nous ne parlerons de la France que pour mémoire : elle aussi, cependant, à la fin de l’année dernière, a réussi à signer avec l’Angleterre un arrangement qui établit la continuité de ses possessions africaines, et qui, tout en limitant son champ d’action, le lui donne assez étendu pour occuper pendant assez longtemps son activité. Par tous ces moyens, l’Angleterre, avant d’en venir aux hostilités, avait fait tout ce qui dépendait d’elle pour isoler le Transvaal, afin de n’être pas dérangée dans l’œuvre de mort qu’elle préparait contre lui. On voit qu’elle n’a rien négligé pour se prémunir contre tout mouvement imprévu d’une autre puissance, et il est probable qu’elle y aura réussi. Cela suffit pour montrer que la guerre actuelle était préparée de longue main, sinon militairement, au moins politiquement. Dès lors, le plan gigantesque de M. Cecil Rhodes est entré dans les imaginations anglaises, qui se sont habituées à en regarder la réalisation comme possible. Un seul obstacle, en effet, se dressait sur la route : il venait de ces deux petites républiques, dont l’une s’appelle la République sud-africaine et l’autre l’État libre d’Orange. Nous savons bien que le tronçon du chemin de fer le plus direct que M. Cecil Rhodes a poussé déjà du Cap vers le Nord ne passe pas sur le territoire du Transvaal, ni sur celui de l’État libre d’Orange, et qu’il les laisse à côté de lui ; mais la sécurité de cette voie ferrée n’en était pas moins incertaine et aléatoire aussi longtemps que ces deux pays resteraient indépendans. Il fallait donc qu’ils cessassent de l’être.

À ce motif politique du conflit s’en ajoutait un autre, également