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onéreux, s’est appliqué à poser la question sur le terrain politique, et presque exclusivement sur celui-là. Et pourtant, parmi les revendications des uitlanders, celles qui se rapportaient à l’obtention de droits électoraux n’étaient pas à leurs yeux les plus importantes, ni les plus urgentes : suivant le mot de notre fabuliste, le moindre grain de mil aurait mieux fait leur affaire. Ils ne tenaient pas tant à devenir citoyens du Transvaal, qu’à y vivre commodément, en attendant le jour de le quitter après y avoir fait fortune ; et si le cabinet anglais s’était placé à ce point de vue, qui était le vrai, il aurait obtenu sans aucun doute de très larges satisfactions. En tout cas, il aurait eu pour lui le sentiment de l’Europe, au lieu de l’avoir contre lui, car partout la mauvaise humeur commençait à se manifester contre le Transvaal qu’on accusait de gêner, d’entraver, et d’exploiter les étrangers outre mesure. En se bornant à réclamer pour ces derniers des droits politiques, on n’a pas tardé à comprendre qu’il poursuivait un but qui était, lui aussi, exclusivement politique et personnel. Dès lors, les exigences britanniques ne devaient pas tarder à menacer les Boers dans leur existence nationale, c’est-à-dire dans ce qui leur était le plus cher au monde : on allait à un conflit qui ne pouvait se dénouer que par la force. Il est inutile de rappeler les anciennes conventions passées entre l’Angleterre et le Transvaal : à nos yeux, la dernière, celle de 1884, a remplacé toutes les autres, et si elle diminue la liberté du Transvaal dans ses relations extérieures, puisqu’elle les place sous le contrôle britannique, elle reconnaît formellement son indépendance intérieure. Or, personne ne niera que, les prétentions anglaises, telles que sir Alfred Milner les a fait connaître au président Kruger à Blœmfontein, et telles quelles se sont développées plus tard à travers la correspondance de M. Chamberlain, avaient précisément pour objet de porter atteinte à cette indépendance intérieure, qui avait été, à Londres, aussi formellement reconnue.

Aussi aurait-il fallu de part et d’autre une habileté suprême, inspirée par un très vif amour de la paix, pour échappera des conséquences devenues presque inévitables. Loin de là, l’Angleterre a mis toute 3in adresse à tourner chacune de ses démarches en provocations contre son malheureux adversaire. C’est ainsi du moins que les choses ont apparu à l’Europe : il n’y a eu nulle part la moindre hésitation à reconnaître que le véritable agresseur n’avait pas été celui qui avait matériellement déclaré la guerre, mais celui qui, avec une froide préméditation, l’avait imposée.

Et pourquoi cette guerre ? Quel était le but de l’Angleterre ? A