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besoins. Administration, travaux d’utilité générale, impôts, éducation, hygiène et assistance publique, législation industrielle et commerciale, mesures propres à soulager la famine, à circonscrire la peste, à développer le bien-être, la liberté, l’instruction, le Congrès passe une revue rapide de tous ces problèmes et fait le tour de l’Inde sociale et politique.

Lorsqu’un Français lit ces discours et ces résolutions, deux mots se présentent à son esprit, deux mots de notre vocabulaire politique d’autrefois : les « cahiers » et les « remontrances. » C’est à peu près sur ce ton que parlaient nos ancêtres dans les assemblées de l’ancien régime, et les séances du Congrès rappellent assez bien celles de nos États généraux, moins le vote des subsides qui donnait une singulière autorité aux dissertations politiques de nos antiques députés. C’est le même esprit de soumission et d’indépendance, qui cherche sa voie, sa mesure et sa forme. Comme le député aux États, l’orateur du Congrès oscille entre les larges déclarations de principes et le petit détail personnel ou local. Étonné du retentissement de sa voix, il a peur d’être éloquent, il se méfie de la rhétorique, qui pourrait le trahir, mais n’a pas encore saisi l’agile et familière dialectique du debater, trouvé le véritable diapason oratoire des assemblées délibérantes[1].

L’impression finale est une impression de respect, de sympathie, de foi en l’avenir. Mais une inquiétude s’y mêle. Combien de temps le Congrès indien saura-t-il se maintenir dans ce rôle difficile et ingrat, presque douloureux, d’un parlement qui critique sans agir, qui contrôle et ne gouverne pas ? Il lui faudra des vertus presque surhumaines, sinon il sera, quelque jour, brutalement rappelé à la modestie. Quoi qu’il arrive, il a déjà rempli une grande tâche. Par ses discussions, il a confondu le vieux sophisme sur l’incapacité politique des natifs. En groupant dans son sein les religions, les provinces et les classes, il a réfuté trois fois l’idée particulariste, fait pressentir l’unité morale de la race, plaidé en faveur de ce fait que l’Inde est une nation.

Ce sont des missionnaires qui ont fondé au Bengale, en 1823, le premier journal en langue indigène. Il ne faudrait pas en conclure que la presse native doive sa naissance à l’initiative des Anglais ; tout au plus pourrait-on dire qu’elle doit ses progrès à

  1. Report of the twelfth Indian national Congress held at Calcutta, 1896.