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investie de pouvoirs législatifs, constituans ou même souverains. Un congrès plus souvent est une réunion d’hommes sans mandat précis dont le rôle, purement critique et consultatif, consiste à éclairer l’opinion publique, à formuler des objections, à préparer des solutions. Le Congrès indien appartient à cette seconde catégorie, mais il copie les allures, observe les formes des congrès souverains. Par l’apparat dont il s’entoure et par la nature même des sujets sur lesquels il délibère, il est identique à nos grands corps politiques. Comme le Parlement de Paris en 1648, il doit une partie de son importance à une homonymie, à une flatteuse confusion de mots. Que ses résolutions deviennent des lois et ce congrès platonique, ce congrès d’amateurs se transforme en un congrès effectif comme celui qui siège à Washington. Mais cela n’est pas et cela ne doit pas être. Ce serait brûler une étape dans l’histoire du progrès de l’Inde. Comme le dit son meilleur interprète[1], « l’heure de gouverner n’est pas encore venue pour elle, mais seulement l’heure de contrôler. »

Le congrès se réunit tous les ans dans une des grandes villes de l’Inde, au mois de décembre, et dure seulement trois ou quatre jours. Le nombre des délégués varie de six cents à douze cents. Les princes y jouent un rôle actif à côté d’hommes de caste inférieure que recommande un talent ou une compétence spéciale. Les Parsis qui, suivant l’expression d’un de mes correspondans de Bombay, sont « le sel de l’Inde, » s’y mêlent aux Hindous, et les Mahométans qui, d’abord, s’étaient élevés contre le congrès, mais qui se sont ravisés, y tiennent une place supérieure à leur proportion numérique parmi la nation. Le Congrès discute une vingtaine de questions, dont quelques-unes se subdivisent, au besoin, en sous-questions. Deux ou trois membres, en moyenne, prennent la parole sur chaque question ; puis l’on passe aux voix et le Congrès vote une résolution. Quelques-unes sont de simples manifestations de loyauté ou de courtoisie envers la Reine-Impératrice, le gouvernement de la métropole, le vice-roi ou quelque personnage important. Si une bonne réforme a été introduite au courant de l’année qui finit, on la salue d’une expression de gratitude collective ; si une loi douteuse a fait son apparition dans le statut, on la discute, on suggère des correctifs et des amendemens. On examine les anciens griefs, on signale de nouveaux

  1. B. M. Malabari, The Indian Problem.