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remboursement n’est pas encore atteinte. Mais la folie de l’étalon d’argent, qui parut plusieurs fois sur le point de l’emporter, inquiéta le pays et les étrangers en relations avec lui, au point de ralentir pendant plusieurs années les affaires et de diminuer les recettes du Trésor jusqu’à le mettre en déficit. L’octroi de pensions dites militaires aux anciens combattans de la guerre civile et à leurs descendans enfla le budget de la guerre, qui devint presque égal à celui de la France, bien que l’armée permanente des États-Unis, avant la campagne de Cuba et des Philippines, n’atteignit pas 25 000 hommes. Cette dépense colossale avait été l’œuvre des protectionnistes qui, désireux de maintenir à tout prix les droits d’importation élevés, cherchaient un emploi aux sommes que ces droits faisaient affluer dans les caisses du Trésor, à l’époque où les excédens étaient de règle. Aujourd’hui, il a fallu recourir à de nouveaux impôts : le peuple veut une marine puissante et voudra peut-être une armée permanente nombreuse, bien que personne au monde ne songe à l’attaquer. Plusieurs emprunts ont été émis depuis cinq ans, et les Américains commencent à faire connaissance avec des droits de timbre qui sont le signal de l’intervention du fisc dans leurs affaires, intervention presque inconnue jusqu’ici de l’autre côté de l’Atlantique. Il est vrai que la richesse et la puissance économique de la grande Confédération sont telles que le poids de ces taxes paraît encore léger à ses habitans. Il n’en faut pas moins constater la transformation d’un budget, qui aurait pu se solder, il y a peu d’années, avec les seuls impôts indirects du tabac et de l’alcool, et qui commence à recourir à l’arsenal de la fiscalité oppressive du vieux monde. Il n’est pas de preuve plus éclatante de l’influence que la direction politique de la vie nationale a sur les finances d’un pays. C’est la démonstration renouvelée de la profonde vérité du mot célèbre d’un de nos grands ministres : « Faites-moi de bonne politique et je vous ferai de bonnes finances. »


VI

Trois questions se posent à l’occasion de l’étude de notre budget : Quelle sera notre politique étrangère ? Quelle sera notre politique douanière ? Dans quel esprit assurerons-nous à l’intérieur l’exécution par l’Etat d’un certain nombre de services publics ? Un quatrième problème, qui prend une place chaque jour