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énumérer : la richesse de l’Angleterre est infiniment plus grande, la constitution et l’éducation économique de la nation bien plus avancées ; la Grande-Bretagne a depuis longtemps complété son outillage industriel, que la Russie commence seulement à créer. Aussi un rapprochement direct de la situation financière des deux pays serait-elle oiseuse et de nature à donner des idées fausses à celui qui voudrait comparer ce qui n’est pas comparable. Il est également certain que notre budget français, avec toutes ses imperfections, présente une solidité très supérieure à celle du budget russe : mais nous ne devons point en tirer vanité, car, avec la puissance économique de notre nation, nous devrions avoir des finances encore bien meilleures qu’elles ne le sont. Ce que nous avons voulu faire ressortir, c’est que ces pays, l’un depuis longtemps au premier rang financier, l’autre beaucoup moins avancé, sont également préoccupés d’avoir une politique budgétaire, au sens large et élevé du mot, et de la suivre avec ténacité.

Ainsi que le disait avec justesse le ministre du Trésor italien, M. Luzzatti, dans son exposé du 1er décembre 1897, on ne saurait avoir la prétention de gouverner un pays selon des chiffres mathématiquement disposés : mais, pourtant, c’est par des chiffres qu’on peut montrer comment un pays est gouverné ; c’est l’enseignement qui se dégage du budget, cet acte qu’un chancelier de l’Échiquier a baptisé : le bilan des vertus et des erreurs politiques. Le même M. Luzzatti, pour essayer de mettre en lumière devant les Chambres la solidité des finances italiennes, les comparait à celles de plusieurs autres pays : il montrait l’Autriche et l’Allemagne portant en recette à leur budget le produit d’emprunts que l’Italie, au contraire, considère comme une diminution du patrimoine national et dont elle ne fait pas état au budget ordinaire ; il ajoutait qu’il était indispensable de renoncer à toute émission de rente et que le salut était dans un système d’abstention absolue. Grâce à cette politique, le ministre italien prévoyait une amélioration du crédit public, qui ne pouvait manquer d’avoir son contre-coup sur les affaires particulières, de diminuer le taux d’intérêt, et de provoquer la création de nouvelles entreprises ; il songeait à constituer un fonds de dégrèvement au moyen d’économies sur les dépenses et le destinait à exonérer le travail de tout impôt direct frappant les petits revenus mobiliers et la petite propriété foncière. Il rappelait le temps où