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dès lors par l’illustre réformateur et qui se font encore sentir dans les budgets russes. Les rapports soumis par le ministre des Finances au tsar le 1er janvier de chaque année contiennent, en dehors de l’exposé financier proprement dit, des considérations générales sur la monnaie, sur les conditions de l’agriculture, sur la politique douanière, sur les rapports de la Russie avec les marchés étrangers, qui rattachent la situation économique de l’Empire au budget. Le ministre en tire de véritables leçons d’économie politique, comme lorsque, parlant de la production des céréales et de leur prix, il montre avec force qu’il est beaucoup plus important pour un pays d’avoir à foison les produits de la terre que de voir de hauts cours cotés sur les denrées de première nécessité : cette cherté est un mal pour le peuple et ne sert que passagèrement les intérêts particuliers de quelques grands producteurs. Des efforts constans vers le progrès ont été faits dans l’établissement du budget russe : depuis 1895, la classification des dépenses ordinaires et extraordinaires est établie avec rigueur, conformément à un nouveau règlement qui ne permet d’imputer au budget extraordinaire, en dehors des dépenses de guerre ou des remboursemens autorisés d’emprunts d’Etat, que les constructions de nouvelles voies ferrées, et les achats exceptionnels de matériel de chemins de fer. Les conversions ont permis de ne pas augmenter le montant annuel consacré au service de la dette, bien que le capital de celle-ci se soit accru. La réforme monétaire a été accomplie et a exercé sur le budget une influence heureuse, en faisant disparaître les variations du change, qui amenaient des écarts considérables, d’une année à l’autre, sur le montant des paiemens à effectuer à l’étranger.

Les principes fondamentaux sont posés : « En Russie, comme dans tout pays jeune, écrivait M. Witte en 1895, il n’est pas douteux qu’un champ infini ne soit ouvert aux dépenses de l’État, mais il n’est pas moins certain que les ressources du pays sont aussi limitées que sont sans bornes les exigences à satisfaire. » Une des réformes opérées dans les dernières années a consisté dans l’institution du monopole des spiritueux, dont le gouvernement se réserve la vente directe dans un nombre croissant de provinces : le but poursuivi a été moins fiscal que moral ; l’Empereur et son ministre veulent combattre le fléau de l’alcoolisme, sauvegarder les bonnes mœurs, empêcher la ruine des