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nouveaux propriétaires qui les acquièrent par héritage ou par toute autre voie, les reçoivent tels qu’ils se comportent, c’est-à-dire précisément grevés de ces servitudes qui, au moment où elles ont été constituées, ont diminué la plénitude du droit du possesseur, mais se sont dès lors incorporées à l’immeuble et n’en amoindrissent plus la valeur.

Certes, la suppression de ces servitudes ne nuirait à personne ; mais en débarrasser certains immeubles pour les établir arbitrairement sur d’autres serait beaucoup plus injuste que de les laisser en vigueur là où elles existent. Il en est de même pour les impôts : toute réduction en est bonne, à la condition qu’elle ne soit pas accompagnée d’une création de taxes nouvelles qui frappent d’autres matières imposables en même temps que des dégrèvemens sont accordés. Des réformes peuvent être recommandables ; elles sont parfois nécessaires ; des créations de richesses nouvelles excusent de nouveaux impôts ; mais il faut prendre bien garde de ne pas confondre changement avec progrès. Le pays qui supprime certains impôts pour en établir d’autres ressemble au malade qui se retourne sur son lit de douleur, dans l’espoir qu’un changement de position le soulagera : mais le mal est en lui, et c’est d’autres remèdes qui seuls seront efficaces.

Notre langue a gardé, pour définir le prélèvement opéré au profit de l’Etat d’une part de la fortune de chacun, une expression que le législateur ne devrait jamais oublier : c’est celle de contribution. Aucune, en effet, n’exprime mieux le sens de ce que doit être, dans un pays libre, la part fournie par chaque citoyen aux dépenses publiques. C’est le propre des constitutions de la plupart des nations modernes que de ne reconnaître d’autres ressources à l’Etat, en dehors des revenus que peuvent lui fournir les biens domaniaux, que les « contributions » volontairement consenties par les représentans du peuple. Il est vrai que les fonctions de l’Etat se sont tellement développées et que les particuliers attendent de lui tant de services, qu’ils ne songent plus guère à discuter le chiffre des sacrifices qui leur sont demandés ; il faut que l’exagération des dépenses finisse par peser aussi lourdement que chez nous pour qu’une ligue des contribuables, comprenant enfin que l’appui financier de l’État coûte plus cher qu’il ne rapporte, se forme et essaie d’opposer une barrière au flot montant des exigences fiscales.

Quoi qu’il en soit, l’heure est venue où il convient que le pays