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timbrés par le fisc ; qu’ils ne puissent pas oublier un instant cet esclavage moderne, qui n’a d’autre excuse que d’enchaîner indistinctement tous les citoyens. »

De l’aveu même de ceux qui sont chargés sinon de préparer, du moins de contrôler la préparation du budget et de le soumettre aux Chambres, les erreurs parlementaires, les habitudes de retard et de dissipation, le temps perdu à de stériles discussions politiques au lieu d’être consacré à l’étude des questions économiques, font que, depuis plusieurs années, le budget n’est plus qu’un compte de prévision hâtivement dressé, voté péniblement et avec un retard monstrueux, dépourvu dès lors de ce qui pourrait en faire la force et le mérite. Nos ministres, et, à leur suite, les commissions du budget, semblent avoir renoncé à faire de cet acte si important ce qu’il devrait être, c’est-à-dire un effort constant vers l’amélioration générale de la machine administrative, vers l’application des principes d’une politique et d’une économie politique élevées, vers un état plus sain et plus fort, en un mot, la voie ouverte aux réformes de toute nature. Dans son rapport sur le budget général de l’exercice 1899, déposé le 24 décembre 1898, c’est-à-dire une semaine avant la date à laquelle ce budget aurait dû être mis en vigueur, M. Camille Pelletan montrait comment il avait été impossible à la commission nommée par la Chambre élue au printemps précédent de faire œuvre utile et de marquer, dès la première année de la législature, sa politique financière. Il avouait n’avoir pu faire autre chose que chercher à obtenir un équilibre sincère entre les recettes et les dépenses et à combattre l’endettement perpétuel des déficits, qui, depuis 1870, dépassent 400 millions de francs. Parlant de notre budget, il en décrivait le travail préparatoire comme un « ravaudage, par de petits points de couture donnés de tous les côtés, » sans aucun rapport avec les grandes conceptions financières. Il le jugeait lui-même en l’appelant un budget d’attente. Les résultats de cette gestion des finances publiques sont mauvais à tous les points de vue. En se laissant acculer à l’extrême limite du délai dans lequel les impôts doivent être votés, les législateurs s’interdisent tout débat de quelque ampleur sur les questions fondamentales ; ils consacrent leur impuissance et se condamnent à une politique d’expédiens. Lorsqu’en effet des besoins de dépenses additionnelles sont reconnus, il faut à la hâte trouver des ressources pour y faire face ; et ces ressources ne peuvent guère avoir d’autre caractère que celui