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avait provoqué la révolte de ses sujets par d’intolérables procédés de gouvernement, à Naples, Ferdinand Ier ne s’était montré ni violent ni persécuteur, et on comprenait moins la rébellion qui venait de triompher et de le vaincre.

« Il est revenu comme il était parti, bon homme, aimant la pêche, la chasse et la duchesse Partona, dont il a fait sa femme. Il aimait encore un certain Médicis[1], homme fort capable, assez aimé et libéral, qui fut sacrifié au parti ultra-napolitain. Le parti libéral, voyant son intermédiaire auprès du trône éloigné, ne songea plus qu’à se soutenir et à imiter les braves Espagnols, avec lesquels il a tant de rapports. On se concerta. Beaucoup d’hommes de mérite étaient parmi les mécontens. Le prince héréditaire même partageait leurs principes et la femme du roi ne les contrecarra pas. Tout étant combiné, il fut convenu que le général Pepe marcherait sur le château[2]. Le roi entra dans des colères épouvantables et fit marcher sa garde et les troupes de ligne au nombre de trois à quatre mille hommes. Le général Pepe avait deux bataillons, le général Carrasco commandait pour le roi. Les troupes se joignirent, les généraux entrèrent en conférence et la fusion s’opéra comme par miracle. Ils entrèrent au cri de : Vive le roi ! Vive la Constitution ! Et cette constitution était faite par les conjurés en quarante-deux articles. Tout était calme au bout de quelques jours[3]. »

Le roi ne s’en trouvait pas moins dépossédé de sa puissance effective et réduit à ne pouvoir plus l’exercer que sous la forme d’un veto suspensif et en des conditions qui rendaient illusoire pour lui ce dernier attribut de la royauté. La constitution qu’on lui avait imposée n’était ni celle de la France de 1814, ni celle de l’Angleterre, mais celle qu’avait dû subir Louis XVI en 1791, et dont s’étaient également inspirés les révoltés espagnols. Peut-être Ferdinand Ier se fût-il résigné au piètre rôle qu’elle lui laissait. Mais il y avait une puissance intéressée à ce qu’il ne s’y résignât pas. C’était l’Autriche. Maîtresse alors d’une partie de l’Italie, elle ne pouvait laisser, si près des provinces qu’elle occupait,

  1. Don Louis de Médicis, de la branche cadette de cette illustre maison. Conseiller de Ferdinand Ier, son ministre de la police et son favori, il revint aux affaires en 1822 et y resta jusqu’à sa mort, survenue en 1830.
  2. C’était le 2 juillet. La révolution fut terminée le 7.
  3. Ce récit est extrait des lettres de Mme Hamelin. Sous sa forme légère et concise, il résume admirablement cette révolution de Naples, révolution un peu à l’eau de rose, « préparée et exécutée par des princes, ducs et marquis. »