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communique, des lettres de ce personnage qui démentent la bonne grâce qu’il témoigne à Decazes et le dévouement dont il fait parade. En réalité, il ne cesse de le dénigrer et de le desservir.

Il y a un troisième malveillant : c’est M. Neumann, de l’ambassade d’Autriche, l’homme de confiance du prince de Metternich, placé là pour surveiller toutes choses sans en avoir l’air, et jusqu’aux faits et gestes de son ambassadeur : « Serait-il jaloux pour le compte de son prince du bon accueil que m’a fait la comtesse de Liéven ? demande plaisamment Decazes. Je ne vois pas d’autres motifs à sa façon d’être. »

Lorsque Decazes a quitté Paris, le roi lui a formellement recommandé d’être prodigue de détails sur les hommes et les choses de la cour d’Angleterre. Aussi se fait-il un devoir de ne passer sous silence aucun de ceux qu’il croit susceptibles d’intéresser son prince. Ils remplissent ses lettres. Louis XVIII en est enchanté. Il jouit « délicieusement des succès de son fils. »

« Il n’y a dans tout cela qu’une chose qui me tracasse un peu, ce sont les dîners, et la nécessité de boire avec quiconque en fait la politesse. Je vous recommande d’user de la liberté qu’on a de ne boire que de petits coups. Les autres détails m’ont enchanté. J’aime surtout le shake hand descendu du ciel de M. Canning. L’invitation de lord Essex me fait d’autant plus de plaisir que Cashilbury n’est qu’à vingt-huit milles de Hartwell, trois petites heures pour y aller, autant pour revenir ; deux, c’est plus qu’il n’en faut pour tout bien voir. La promenade n’est pas forte, ni l’absence bien longue. Que si vous n’osiez la faire, vous pourriez, si vous en aviez le temps, partir de Cashilbury, voir Hartwell et aller coucher à Oxford, qui n’en est qu’à vingt milles. Je vous recommande alors de loger à l’Etoile. C’est sans contredit la meilleure auberge de la ville. C’est là que m’est arrivée cette aventure digne du pinceau de Sterne que je vous ai sûrement racontée au moins vingt fois[1].

« Vous savez que, depuis vingt-cinq ans passés, il n’y a plus d’amitié entre Mme de Balbi et moi. Je ne m’en crois que plus obligé de lui rendre justice sur un fait qu’un défaut de mémoire, très excusable au bout de vingt-neuf ans, de la part de lady Stafford, vous a mal représenté. Quand j’ai quitté Paris, au mois de juin 1791, lord Stafford était absent par congé. Sa femme était

  1. Je n’ai pu découvrir à quelle aventure le roi fait allusion.