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suis pas aperçue. J’étais trop embarrassée de ma personne et trop occupée à regarder. Je crois voir encore deux femmes que, chez nous, on appellerait de vieilles femmes, magnifiquement habillées, les épaules très découvertes, beaucoup de diamans. L’une était Mme Fitz-Herbert, qui avait été la femme morganatique du prince de Galles. Elle avait sur la tête un bonnet ou turban attaché par une ganse d’or très mince qui passait sous le menton. L’autre, un peu moins vieille mais loin d’être jeune, était lady Hertfort, jadis maîtresse de ce prince. »

De son côté, à propos de cette fête du duc de Devonshire, Decazes écrit au roi : « Nous y avons trouvé toute la cour. Le duc de Wellington et lord Castlereagh se sont mis chacun à un des côtés de ma femme et ne l’ont plus quittée : ils lui ont présenté la marquise d’Hertfort, la duchesse de Wellington, la duchesse de Bedford, la duchesse d’Argyle, lady Harawky et combien d’autres. » Le lendemain, nouveau dîner chez lord Castlereagh. Sauf lord Liverpool qui s’est fait excuser, tous les ministres sont présens et prodiguent des shake hand à l’ambassadeur français, « Canning se distinguant entre tous en levant les bras de toute sa hauteur avant d’arriver à moi. Lord Castlereagh m’a demandé un jour pour dîner avec ma femme à la campagne où est milady. Il m’a beaucoup engagé à prendre une campagne près de chez lui, insistant sur le prix qu’il mettrait à ce voisinage. Je dîne lundi chez Canning, mardi chez lord Bathurst, samedi chez le prince Esterhazy, qui est parfait. En sortant de chez lord Castlereagh, je suis allé avec Egédie chez la duchesse d’Argyle, où les choses se sont passées comme chez le duc de Devonshire. »

La semaine suivante, l’ambassadeur et l’ambassadrice se rendent à l’invitation que leur a faite lord Castlereagh pour un « dîner dansant » à la campagne. Le soir, la duchesse, en rentrant, écrit ses impressions : « On nous dit que ce sont là les honneurs de l’ambassade et qu’il faudra en avaler autant chez tous les ministres. Si c’est toujours aussi amusant que cette fois, cela promet ! Nous sommes arrivés à Oregs à une heure. On nous a fait promener dans les jardins et tout ce qui s’ensuit jusqu’à trois heures. Lady Castlereagh nous a menés voir ses chiens. Son mari était avec nous. Il n’a pu encore se persuader que je n’étais pas à la cour de Louis XVI. Il n’a cessé de me parler du temps où je portais de la poudre et des talons. Quand nous sommes revenus près du cottage, — car ce n’est pas un château, — nous avons trouvé des