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duc de Brunswick. Ce nouveau mariage n’ayant pas mieux tourné que le précédent, les époux, au bout d’une année, se séparaient avec éclat, sans que, cette fois, le mariage pût être rompu, alors surtout que George III avait pris parti pour sa belle-fille contre son fils.

Celle-ci resta donc à la Cour, en sa qualité de princesse de Galles, ne faisant que de rares voyages sur le continent. A partir de 1814 seulement, elle quitte l’Angleterre et fixe sa résidence en Italie, allant et venant d’un bout à l’autre de la péninsule, qu’elle remplit du bruit de ses extravagances. A Naples, où elle est reçue par Murat avec les honneurs royaux, elle le couronne de lauriers dans une fête publique ; à Rome, sans souci de ce que lui commande sa dignité de future souveraine d’Angleterre, elle ne fraye qu’avec les membres de la famille Bonaparte ; elle passe en Suisse pour aller embrasser la reine Hortense, et entreprend alors de visiter les capitales et les cours de l’Europe.

Toujours suivie d’un sieur Bergami, naguère encore valet du général Pino, qu’elle a créé baron, nommé chambellan et fait décorer de plusieurs ordres, elle mène grand train, contracte des dettes partout où elle réside. Elle s’était imposée à la cour de Turin ; ce précédent lui ouvre celle de Munich. En mars 1817, on apprend en France qu’elle va venir à Paris dans le dessein de se présenter aux Tuileries. Pour qu’elle renonce à ce projet, il faut que Louis XVIII, averti par les Anglais, lui fasse dire qu’elle ne sera pas reçue[1]. Une communication analogue lui est adressée par la cour de Vienne. Elle revient alors s’installer à Pesaro, près de Turin, où elle se dédommage des dédains des grandes cours en recevant plusieurs petits princes allemands et italiens.

Elle y est encore en 1819. Une Anglaise, lady Douglas, qui va la voir, donne sur ses mœurs les détails les plus scandaleux. Elle avait, en arrivant, adopté un jeune paysan « fort joli garçon. » Elle en a depuis adopté un second, « dont on la dit très éprise, » quoique Bergami soit toujours là. « Son principal amusement est l’opéra de Turin, qu’elle soutient presque à elle seule, » ce qui ne l’empêche pas « de faire beaucoup de bien aux habitans de Pesaro. »

Au mois d’octobre, elle demande et obtient un passeport pour la France, sous le nom d’une soi-disant comtesse Oldi, sœur de

  1. Ces détails me sont fournis par des rapports diplomatiques, des lettres privées et des notes de police.