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« intégrante » que s’opérerait le partage escompté, après la dislocation — hypothétique — de la Monarchie austro-hongroise.

Le premier effet en serait, dans l’hypothèse d’une dislocation et d’un partage de l’Autriche-Hongrie conformément au « principe des nationalités, » que l’Empire allemand, comme suprême représentant de « l’être, » du « genre » ou du « règne » allemand, — deutsches Reich, — acquerrait les parties allemandes. Mais aussitôt une difficulté surgit, ou même plusieurs difficultés. Les parties allemandes de l’Autriche, ce n’est pas seulement le bloc compact de sa moitié occidentale ; c’est, en outre, toute une série de taches ethniques, de colonies moins nombreuses, moins étendues et moins denses, disséminées un peu au hasard, et jetées parfois très loin, très avant, jusque dans le sud de la Hongrie, sur le Bas-Danube.

Le bloc allemand du nord et de l’ouest se soude en quelque sorte sur trois de ses côtés à l’Allemagne, par la Silésie prussienne, la Saxe et la Bavière. Mais le reste est « en l’air, » et ne tient à rien. Sur le quatrième côté du losange bohème, c’est à peine si la ligne est interrompue : elle ne s’efface qu’en cinq points. Il est vrai que, par telle ou telle de ces cinq trouées, les Tchèques sont en communication avec les Slaves de Silésie et les Slaves de Moravie. Mais il est non moins certain que, de Neutitschein comme point extrême à Neuhaus par Olmütz et lglau, ou à Nikolsburg par Olmütz et Brünn, il s’en faut de peu que les tronçons allemands se rejoignent et se continuent. Et peut-être la tentation serait-elle très forte de pousser le trait et d’achever le parallélogramme : un beau cristal à agréger à la roche allemande, ou, si l’on préfère cette autre figure, un beau fruit à pendre à l’arbre allemand ! Seulement (et ce seulement est inquiétant) ce serait enfermer dans une écorce et sous une légère couche de pulpe allemandes, un noyau tchèque très dur et très aigu qui, tôt ou tard, les déchirerait ou les crèverait. D’autre part, si l’Allemagne se contentait d’enlever l’écorce et de peler le fruit, si elle faisait décrire à sa nouvelle frontière un cercle presque complet autour du pays tchèque, de Starnberg à Königgrätz, Leitmeritz, Pilsen, Taus, Budweis ou Krumau, Gmund, Neuhaus, Znaïm et Nikolsburg, pour revenir toucher, au-dessous de cette dernière ville, la rivière la March ou Morava ; si les annexions étaient bornées aux parties strictement allemandes, la Bohême tchèque ne serait-elle pas plus que jamais le coin dans la chair de