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trop naturelles qui agissent sur nous. Il en résulte, pour nous, dans toutes les affaires presque sans exception, et surtout dans les plus grandes, une diminution de force qui vient à la fois de ce que nous n’inspirons pas et de ce que nous n’avons pas confiance. Nous sentons instinctivement notre faiblesse ; quelque chose nous retient ou nous arrête, et nous nous replions sur nous-mêmes, absorbés par des préoccupations intérieures, peu faites, assurément, pour relever notre âme et pour donner un puissant essor à notre volonté. Est-ce la faute de nos institutions ? Non, c’est la nôtre. Nos institutions, nous ne savons même pas user des ressources qu’elles nous offrent, et il semble que, dans la pratique, nous nous appliquions à les amoindrir. Une autre France que celle d’aujourd’hui n’aurait pas assisté impassible à ce qui se passe dans l’Afrique australe, et, si elle avait jugé ne pas devoir, ou même ne pas pouvoir y faire obstacle, elle aurait pris du moins des précautions et on lui aurait donné des gages contre le trouble qui en résultera dans l’équilibre africain ; car il n’y a pas seulement désormais un équilibre européen, il y a un équilibre africain et un équilibre asiatique. Il semble bien que l’Angleterre ait négocié avec une autre puissance, qui, au point de vue colonial et maritime, ne nous est certes pas supérieure, et qui a obtenu pourtant les assurances qu’elle voulait. Mais nous…. ? Insister davantage serait pénible. Il semble d’ailleurs à notre gouvernement que nous devions être suffisamment satisfaits de lui, s’il entre en guerre contre les congrégations, ou s’il supprime la liberté d’enseigner. En d’autres temps, cette diversion de guerre civile n’aurait pas suffi à nous distraire, ou à nous consoler.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.