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de discuter n’est pas venue. Nous nous contentons d’annoncer les projets qui s’élaborent, et de dire que le ministère compte sur eux pour s’assurer une majorité à la Chambre, et pour prolonger ses jours. Il est possible que ces projets correspondent, en effet, aux tendances encore confuses de la majorité parlementaire ; nous en admettons l’hypothèse ; mais il y a aussi la majorité du pays, ou plutôt le pays lui-même, et nous doutons fort qu’il approuve l’œuvre de persécution qu’on élabore. Le ministère actuel s’est proposé de combattre ce qu’on appelle, d’ailleurs très improprement, le nationalisme, et la plupart de ses actes semblent déterminés par cette intention. Le nationalisme, dans quelques-unes de ses formes, est peut-être un danger, parce qu’il n’est, au total, que l’expression violente d’un mécontentement poussé jusqu’à la colère, ou d’un désenchantement poussé jusqu’au mépris. Mais, si ce mal existe, nous ne sommes pas sûrs que certaines des mesures qu’on lui oppose ne soient pas plutôt de nature à l’exaspérer, et que ce ne soit pas précisément de la graine de nationalisme que le ministère s’apprête à semer à pleines mains.

Ainsi, on commence à voir comment le ministère a occupé ses vacances, et à quelles conséquences ses méditations l’ont amené. Désespérant de s’assurer une majorité à titre de sauveur de la République, il en cherche une en présentant plusieurs projets de loi dont les détails ne sont pas encore connus, mais dont le caractère général se dessine de plus en plus. Atteindra-t-il son but par ce nouveau moyen ? Résoudra-t-il ce problème, qui, naguère encore, lui paraissait insoluble, de vivre dans les conditions où il est constitué ? C’est la question que tout le monde se pose aujourd’hui, la rentrée des Chambres lui donnant un caractère d’opportunité. Il est toujours dangereux de faire des prophéties, et personne ne peut savoir au juste dans quelles dispositions d’esprit nos représentans reviendront de leurs provinces. Peut-être, ceux-ci pour un motif et ceux-là pour un autre, prolongeront-ils encore le crédit qu’ils ont ouvert au ministère ; peut-être hésiteront-ils à le renverser au moment même où le Procès des Quinze commencera au Luxembourg ; peut-être les projets de M. Waldeck-Rousseau plairont-ils aux uns et ne causeront pas encore une bien grande crainte aux autres, car l’histoire est fertile en avortemens de projets de ce genre. Il est donc possible qu’on laisse vivre le ministère, mais ce n’est pas une raison suffisante pour qu’il vive : ne voit-on pas mourir tous les jours des gens que personne ne tue, uniquement parce qu’ils sont mal constitués ou que leurs forces sont épuisées ? Il n’y a rien d’invraisemblable à ce qu’un jour prochain,