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« la puissance » protectrice, que le régime du protectorat est et reste la forme des rapports entre l’Etat chinois et l’Eglise catholique. La puissance, à laquelle fait allusion le texte, n’est pas plus explicitement désignée ; mais, en vertu des traités conclus avec le gouvernement chinois, confirmés par une longue pratique et par de très nombreux témoignages de la gratitude de la Propagande et des missionnaires eux-mêmes, c’est la France qui a, dans les quarante vicariats apostoliques de l’empire, — sauf un seul, — la charge de défendre les intérêts religieux. Si l’on se souvient des événemens de Kiao-tchéou, de la manière dont la mission allemande de Mgr Anzer, obéissant à des suggestions directes de Berlin, a pu jadis se soustraire à la tutelle du ministre de France pour se placer sous la protection de l’Allemagne, on comprendra mieux la genèse et la portée de l’acte négocié entre Jong-lou et Mgr Favier. L’agression brutale qui a fait tomber Kiao-tchéou aux mains des Allemands a profondément blessé l’amour-propre* chinois ; et il ne serait pas étonnant que le gouvernement de l’impératrice douairière ait cherché, en accordant satisfaction aux désirs depuis longtemps poursuivis des missionnaires, à prévenir le retour de pareils attentats et à empêcher les différends religieux de servir de prétexte à un démembrement de l’empire. A la lumière des faits, le décret du 15 mars prend donc une valeur nouvelle : il apparaît bien comme une confirmation implicite des « positions acquises » et des « prérogatives » qu’ont values à notre nation « son attachement au catholicisme et l’héroïsme de ses missionnaires.  » Jamais d’ailleurs nos « prérogatives » n’ont été plus vraiment « la consécration des services rendus par la France dans le monde aux intérêts religieux[1].  » — « Je ne crois pas, pouvait écrire M. Dubail, notre chargé d’affaires à Pékin, qu’à aucun autre moment, le protectorat religieux ait été aussi solidement établi en Chine et ses résultats aussi efficaces[2]. »

Dans le Céleste Empire, les actes législatifs, comme les traités,

  1. Il est intéressant de trouver, avec une affirmation nouvelle et un souhait « d’affermissement des liens qui rattachent la France au Saint-Siège,  » une constatation des « prérogatives » de notre protectorat dans les discours officiels échangés entre Mgr Lorenzelli et M. le Président de la République, lors de la cérémonie de remise des lettres de créance du nouveau nonce (21 juillet 1899). C’est à ces deux harangues qu’appartiennent les expressions que nous plaçons entre guillemets. Les premières sont empruntées à Mgr Lorenzelli ; les suivantes, ainsi que celles que nous reproduisons dans cette note, ont été prononcées par M. Loubet.
  2. M. Dubail à M. Hanotaux, 12 sept. 1897. Livre jaune, n° 54.