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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 octobre.


On ne sait pas encore si les Chambres seront réunies le 7 novembre, ou le 14, ou à une date plus éloignée. Nous avons déjà dit ce qu’il fallait penser de ce retard anormal, qui témoigne à la fois du peu d’empressement du ministère à se retrouver en présence de ses juges constitutionnels, et de la parfaite indifférence du pays. Tout le monde a l’impression que nos affaires vont mal, mais que le retour du Parlement ne les améliorera pas : la grande difficulté, aujourd’hui, est de trouver où placer un reste de confiance. La présidence de la République est inerte, les Chambres sont à la fois bruyantes et impuissantes, et quant au ministère, nous n’en avions pas encore eu d’aussi équivoque : il est impossible de savoir ce qu’il est, et où il va. Il fut un temps, qui n’est pas encore très éloigné, où l’on voyait dans le Sénat une sorte d’ancre de salut. C’était une Chambre vraiment conservatrice, et en même temps très ferme et très résolue. Elle l’a montré deux fois en dix ans, une première fois en nous débarrassant du césarisme sous la forme d’un général d’aventure, et une seconde en nous débarrassant du radicalisme sous la forme d’un ministère qu’un caprice présidentiel avait voulu prendre à l’essai. Nous ne savons pas si, aujourd’hui, le Sénat serait capable de rendre les mêmes services. Il est bien changé ; le ton de ses débats n’est plus le même ; sa composition s’est modifiée. Mais, quel que soit le Sénat actuel, nous avons un motif de plus de ne pas trop compter sur lui avant quelque temps : c’est qu’il s’appelle la Haute-Cour, et qu’à ce titre, il va être complètement absorbé par la grande affaire du complot ou de l’attentat qui a mis, parait-il, la République à deux doigts de sa perte. Depuis la Conspiration des Poudres, à Londres, on n’avait rien vu de pareil.

Il ne faut donc pas, pour le moment, faire grand fond sur lui ; il est occupé ailleurs. Reste la Chambre : avant tout, elle aura des comptes à demander au ministère, et il est probable que la session extraordinaire commencera par un certain nombre d’interpellations.