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semer, ou son épandage sur le sol n’augmentent pas les récoltes. Et, en effet, l’hypothèse de M. Nobbe que la symbiose ne s’établit qu’entre espèces parfaitement déterminées, est inexacte ; M. E. Bréal a vu, depuis longtemps déjà, un lupin blanc, inoculé avec une goutte du liquide pris dans une nodosité de luzerne, croître, fleurir, mûrir ses graines, tandis que, dans le même sable, un lupin non inoculé périssait rapidement ; on réussit la culture de ces mêmes lupins blancs, colle de la vesce sur des terres qui depuis des années n’ont porté ni lupin, ni vesce ; d’où cette conclusion, appuyée par de nombreuses expériences exécutées par M. Mazé, qu’une espèce de bactéries vivant sur une légumineuse de sols calcaires convient à beaucoup d’autres plantes de la même famille, ayant le même habitat. Il n’y aurait en réalité que deux grandes familles de bactéries productrices de nodosités, colles des terres calcaires et celles des sols dépourvus de chaux.

L’ensemencement des bactéries des sols calcaires n’est même pas nécessaire pour faire réussir les légumineuses en terrains schisteux ou granitiques, le chaulage suffit. On sait, en effet, qu’aussitôt qu’il a eu lieu, le petit trèfle blanc, qui ne se rencontre guère dans les prairies naturelles de ces sols acides, y apparaît spontanément, et on conçoit que, si le vent est capable de transporter des graines, il l’est encore bien davantage de disséminer les germes invisibles des fermens ; le moindre nuage de poussières on entraîne des millions, et aussitôt que graines et germes trouvent un milieu favorable, ils s’y installent et s’y propagent.

Ce n’est donc pas à l’épandage de nouveaux fermens qu’est dû le succès, mais à la création d’un milieu où ils puissent se répandre ; et c’est précisément parce qu’après le chaulage les terres des landes sont devenues aptes à se peupler des bactéries de la luzerne ou du trèfle que les prairies artificielles ont pu s’y établir et faire passer le pays de la misère à la prospérité.

Avant d’abandonner l’étude de l’influence qu’exercent les amendemens calcaires sur la culture des légumineuses, il nous reste à discuter les causes qui ont amené, dans la Sarthe et la Mayenne, la disparition du trèfle, qui sous l’influence du chaulage y avait donné de brillantes récoltes. On n’a pas manqué de rappeler à ce propos le fameux dicton : « La chaux enrichit le père et ruine les enfans. » S’applique-t-il justement à cette culture du trèfle, d’abord luxuriante, ensuite misérable ? Et si après quelques années elle n’a plus donné de bénéfices, est-ce bien à