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a démontré avec une si frappante évidence aux plus prévenus de quelle importance politique sont nos privilèges religieux qu’il n’est plus besoin d’y insister. Mais, au point de vue catholique comme au point de vue français, une situation nouvelle résulte d’un récent décret du gouvernement de Pékin : il nous faut esquisser les conséquences politiques de cet acte impérial.

Le décret du 15 mars 1899[1] reconnaît que la religion et le culte catholique sont répandus dans toutes les provinces de la Chine, et, pour prévenir les conflits et assurer la bonne harmonie entre la population et les chrétiens, il fixe la manière dont les rapports officiels s’établiront entre les fonctionnaires impériaux et les missionnaires. Il s’agit, en somme, d’une sorte de « décret de Messidor,  » qui assigne aux ministres de la religion catholique un rang dans la hiérarchie chinoise, qui les assimile, au point de vue du protocole, à des catégories déterminées de mandarins. Pour qui sait que les questions de forme et de cérémonial sont souvent, en Chine, les plus essentielles et toujours les plus épineuses, l’importance de la décision récente du gouvernement ne fera aucun doute : elle équivaut réellement à une reconnaissance officielle du catholicisme dans l’empire. Les évêques sont déclarés « égaux en rang et en dignité aux vice-rois et gouverneurs,  » ce qui apparaît comme une marque de très haute estime ; les vicaires généraux et les archiprêtres « aux trésoriers et aux juges provinciaux et aux intendans ; » les autres prêtres « aux préfets de première et de deuxième classe,  » etc. Les formalités d’étiquette ainsi réglées par avance, les missionnaires des différens degrés de la hiérarchie sont « autorisés à demander à voir » les fonctionnaires chinois de dignité correspondante et à traiter avec eux, à l’amiable, les affaires religieuses ; les mandarins sont invités à « négocier sans retard, d’une façon conciliante, et à rechercher une solution.  » — S’imaginer que les prêtres catholiques jouiront du jour au lendemain d’une sécurité complète, que les difficultés seront toujours réglées dans un esprit de concorde, ce serait mal connaître la Chine ; les ordres de la capitale parviennent lentement dans les provinces de l’immense empire et ils y sont exécutés plus lentement encore : les apôtres du christianisme se

  1. On en trouvera le texte en appendice dans le livre de M. E. Bard, les Chinois chez eux, Armand Colin. 1899, in-12.