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voit apparaître un précipité gélatineux, floconneux, qui reste en suspension dans le liquide. A cet état, le phosphate de chaux est bien plus soluble dans l’eau chargée d’acide carbonique que lorsqu’il se trouve à l’étal compact. Les phosphates de peroxyde de fer ou d’alumine précipités ont également cette structure gélatineuse, et s’ils résistent à l’eau pure ou même chargée d’acide carbonique ou d’acide acétique, ils se dissolvent aisément dans l’acide citrique, qu’on suppose exister dans les poils absorbans des racines.

Tant que la terre renferme des phosphates gélatineux, elle soutient la végétation, mais cet état favorable est transitoire ; en se desséchant, ces phosphates durcissent ; en outre, l’acide phosphorique, d’abord uni à la chaux, l’abandonne pour se combiner aux oxydes de fer ou d’aluminium, et son assimilabilité diminue.

La terre constitue, en effet, un mélange complexe dont les divers élémens réagissent lentement les uns sur les autres ; ils s’unissent, se séparent, se groupent ou s’isolent, de telle sorte qu’ayant introduit dans la terre une substance parfaitement déterminée, on en extrait, après quelques jours, une autre très différente de la première. J’en ai donné, il y a déjà plusieurs années, un exemple curieux : les végétaux terrestres dédaignent habituellement la soude ; on n’en trouve guère que dans les plantes marines ou dans celles qui croissent sur le littoral. J’ai voulu savoir si cette absence de la soude dans la plupart des cendres végétales n’était pas duc à la rareté qu’elle présente dans nos sols cultivés et si on ne réussirait pas à la faire pénétrer dans une plante qui n’en renferme pas d’ordinaire, en introduisant des sels de soude en quantités notables dans la terre où elle était enracinée. Je semai dans de la bonne terre de jardin, contenue dans de grands pots à fleurs, des haricots d’Espagne, puis, quand ils eurent pris un développement suffisant, je les arrosai avec une dissolution de sel marin ou chlorure de sodium. J’augmentai peu à peu la concentration des dissolutions jusqu’à les rendre mortelles, me disant que, si les haricots périssaient par l’addition de ces fortes doses de chlorure de sodium, je retrouverais ce sel dans les cendres, et que j’aurais ainsi la preuve que l’assimilation de la soude n’était pas impossible. Quand les haricots eurent séché, empoisonnés par ces arrosages d’eau salée, je les brûlai et soumis les cendres à l’analyse. Elles renfermaient une quantité notable de chlore, mais celui-ci, au lieu d’être uni au