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sa tête. Je m’honore d’avoir contribué, au moins en partie, à détruire les préventions dont il était l’objet en Espagne.

La division militaire était commandée par le général Pourcet, ancien chef d’état-major du maréchal Niel, qui avait rempli les fonctions de ministère public dans le procès Bazaine. Il avait la haute main sur la surveillance militaire de la frontière. Trop porté à des complaisances pour le gouvernement espagnol, dont il attendait sans doute des faveurs qu’il obtint par la suite[1], il nous créait parfois des difficultés. Je réussis cependant à demeurer en bons termes avec lui jusqu’à la fin, tout en l’obligeant à respecter les attributions de l’autorité civile sur lesquelles il aurait volontiers empiété.

En dehors des autorités françaises, les deux personnages avec lesquels j’étais destiné à avoir les relations les plus délicates étaient le consul général d’Espagne et le consul d’Allemagne. Le premier était un très jeune homme, fils du ministre des Affaires étrangères du roi Alphonse, dont Bayonne était le poste de début. Il a fait depuis une carrière honorable dans le corps consulaire. Mais, à cette époque, son inexpérience, son manque d’autorité et d’initiative compliquaient une situation difficile par elle-même. Il fut d’ailleurs bientôt remplacé par un consul de carrière et d’âge mûr, M. Bernai de O’Reilly, très agissant, très pénétré de l’importance de son rôle et de sa personne, brave homme au demeurant, dont j’eus plus à me louer qu’à me plaindre.

Le poste, récemment créé, de consul d’Allemagne à Bayonne était occupé par un des hommes de confiance de M. de Bismarck, littérateur distingué, bien connu à Paris, où il avait longtemps habité. M. Richard Lindau remplissait sa mission avec zèle, mais cette mission n’avait pas précisément pour but de nous être agréable. Ses formes étaient d’ailleurs d’une irréprochable correction.

Mon premier devoir était d’aller visiter la frontière. Je n’y manquai pas. Cette visite était intéressante au plus haut degré.

Les troupes alphonsistes occupaient, dans le voisinage de notre frontière, Irun, Fontarabie, Saint-Sébastien et quelques positions fortifiées entre ces trois villes. Le territoire carliste commençait entre Irun et Vera. Mais les bandes du prétendant tenaient la montagne presque partout et escarmouchaient sans

  1. Le titre de marquis d’Arneguy.