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la forme que dans le fond, était un véritable acte d’accusation contre la France. A l’en croire, la protection des carlistes aurait commencé du temps de l’empire ; elle se serait continuée sous le gouvernement de la Défense nationale. Les fonctionnaires de ce gouvernement étaient de la part de l’ambassadeur l’objet des mêmes récriminations que ceux qui les avaient précédés et que ceux qui les avaient suivis. A l’appui de ces allégations, se développait une interminable liste de griefs. L’ambassadeur s’étonnait de « l’anomalie qui résultait de voir la France libérale confondue, contre sa volonté, avec les protecteurs de l’absolutisme en Espagne et exposée à perdre ainsi sa signification d’initiatrice des grands principes qui constituent la base essentielle du droit public des peuples modernes. »

Dans sa réponse du 14 décembre, que j’ai sous les yeux, le duc Decazes réfute point par point toutes les accusations de l’ambassadeur et en démontre péremptoirement l’injustice et l’inanité. À ces accusations, il oppose avec une spirituelle malice le langage tenu aux Cortès par le ministre d’Etat, au mois de mai 1872. « Je m’empresse d’annoncer à la Chambre, disait le ministre, que le gouvernement français a accompli loyalement et les offres qu’il nous avait spontanément faites et les devoirs qui incombent aux gouvernemens unis entre eux par des liens d’amitié… Quelques fonctionnaires peuvent ne pas s’être conformés à leurs instructions avec l’exactitude que nous étions en droit d’attendre… Mais il faut aussi tenir compte de la facilité extrême avec laquelle on peut déjouer toute surveillance. Je rappellerai qu’en 1867, lorsque nous étions réfugiés en France (et bien des membres de cette assemblée se sont trouvés dans ce cas), tous, absolument tous, nous sommes parvenus à tromper la vigilance dont nous étions l’objet… Je déclare que, si l’administration de cette époque avait adressé des plaintes, elle aurait fait preuve d’injustice, car la vérité est que le gouvernement français faisait ce qu’il pouvait. Il y a en effet bien des moyens de déjouer la surveillance. On ne doit pas oublier que les populations frontières appuient l’insurrection toutes les fois qu’elle leur fournit les moyens de se livrer à leurs spéculations… Sur une si longue étendue de frontières, il existe bien des points où l’on peut passer à certaines heures, quelle que soit la surveillance exercée. »

Dans les conditions que je viens d’indiquer, le gouvernement français ne pouvait pas ressentir grande sympathie pour le