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philosophie de la certitude : l’énergie morale toute personnelle, où la croyance s’exalte ; l’unité extérieure et visible rendant possible la communion des cœurs, où la croyance se repose et s’assure. Réduite au premier terme, elle se disperse ; ramenée au second, elle s’évanouit en un formalisme ; elle ne se réalise que par le mouvement fécond qui va de l’un à l’autre.

Or ce besoin profond d’unité, ce n’est pas le rationalisme abstrait qui pouvait en assurer la satisfaction. Comment l’universel qu’il propose à des intelligences toujours trop remplies d’elles-mêmes réussirait-il à les pénétrer au point d’inspirer toutes leurs démarches ? Et comment restaurer, à l’aide d’une vérité qui laisse inactives et inassouvies les aspirations de l’âme, cette unité qui n’est pas seulement une unité formelle et visible, mais encore une expression vivante où se complaît le cœur et comme un ordre animé qui symbolise au dehors un parfait accord intime ? Un autre danger de l’intellectualisme, c’était, à force de se renfermer dans des combinaisons d’idées, de rendre impossible toute certitude intérieure et de perdre à la fois le sens des réalités spirituelles sur lesquelles elle est fondée. Une vérité sans consistance, une existence sans contours, une preuve sans légitimité puisée dans les faits, une science sans réalité, sont autant de formalités vides, et lame risque de se lasser au contact de ces fantômes. Pour une nature éprise d’action et prête à subordonner les convenances personnelles d’un système aux certitudes communicables et fécondes, une évolution s’imposait. Le problème simplement spéculatif s’effaçait ; le problème pratique et vital se posait au premier plan. Ce n’était donc plus à une philosophie de l’intelligence, incapable de produire cette œuvre de la transformation interne, encore moins à un spiritualisme timide, soucieux de tout ménager, poussant le goût de la correction jusqu’à l’effacement, ce n’était point à de telles doctrines que M. Ollé-Laprune pouvait demander le moyen de révéler les âmes à elles-mêmes et d’exciter leurs forces secrètes. Il ne lui était plus permis de méconnaître la prodigieuse vitalité du christianisme, sa puissance de transfiguration, son rapport incessant avec la vie morale et la vie sociale ; et dans cette œuvre qu’il assignait à la philosophie et qui était, non d’analyser et de détruire, mais de restaurer et d’évoquer l’âme, ψυχαγωγία τις, il ne lui était plus loisible de négliger ce principe divin de la création des âmes, pour s’en tenir humblement à ces vérités élémentaires et à ces croyances