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supportable et l’impossibilité d’en acquérir un meilleur. Il faut qu’une pensée féconde en résultats utiles suive ou précède une bataille politique pour qu’elle change rien à la position respective des deux partis[1]. »

Il n’y avait d’autre remède à la Constitution que de changer celle-ci. Il fallait que le Directoire eût le droit de dissoudre le Conseil des Cinq-Cents et d’en appeler à une nouvelle élection du peuple. C’est ce que Mme de Staël nomme le veto suspensif et ce que nous appelons le droit de dissolution, tel qu’il a été introduit dans la Constitution de 1875. Le pouvoir exécutif continuait à être confié à un Directoire composé de plusieurs membres, « parce qu’en France tout homme qui ne serait pas roi ne serait pas souffert seul à la tête du gouvernement, et que tout homme qui y serait souffert voudrait devenir roi. » Voilà pour le gouvernement.

Que sera la représentation nationale ?

Avec une netteté de vues et un sens politique vraiment remarquables, Mme de Staël pose en principe d’abord que la démocratie française n’est pas une vraie démocratie. Il n’a pu exister de démocraties effectives que dans les petites républiques de l’antiquité. Mais, dans un état social, où le peuple délègue son autorité à des représentans, J.-J. Rousseau l’a dit, le peuple n’est pas le maître véritable. Il s’agit donc, non pas d’instituer le pouvoir populaire, mais de dresser « un tableau réduit selon les proportions du grand ensemble de l’opinion publique. » Ce tableau, ce sera la représentation nationale.

Deux écueils dangereux menacent le régime parlementaire. Il faut éviter que Charybde et Scylla ne nous engloutissent. Le premier, c’est la présence des factions au sein du Parlement, l’esprit de coterie et d’intrigue, mis au service des intérêts privés et des petites ambitions ; alors, la volonté du peuple n’a plus d’interprète ; le Parlement a tranché les liens qui l’unissent à la nation ; il semble qu’il soit à lui-même sa propre raison d’être, et de ce jour la tyrannie d’une oligarchie commence. Le second écueil, c’est le trop grand nombre des députés, qui engendre la confusion et le chaos : « L’esprit du système représentatif, dit très justement Mme de Staël, c’est que la volonté du peuple, autrement dit les intérêts de la nation soient tous défendus et protégés, comme

  1. Feuillet 141.