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peut être contraint d’accepter un intermédiaire ; qu’un patron ne saurait exiger des ouvriers qu’ils portent leurs réclamations au syndicat patronal dont il fait partie ; que les ouvriers ne sauraient davantage lui imposer de prendre pour juge des difficultés pendantes entre eux et lui le syndicat ouvrier auquel ils appartiennent, — décide : L’intermédiaire du syndicat auquel appartient une des parties peut être utilement employé si toutes deux y consentent ; il ne peut être imposé. » Cela est écrit dans le style lapidaire des anciens juristes. Qu’est-ce donc qu’un syndicat aux yeux de M. Waldeck-Rousseau qui les a inventés ? C’est une association professionnelle, formée par les ouvriers pour étudier en commun les intérêts de leur profession et pour veiller à leur sauvegarde. Les ouvriers en rédigent les statuts, qui doivent être conformes à la loi et déposés entre les mains du juge de paix. Mais le syndicat, une fois formé, est leur chose à eux, leur chose propre, et non pas du tout celle du patron, qui est parfaitement libre de l’ignorer. Il n’a, comme le dit M. Waldeck-Rousseau dans un autre passage de sa sentence, ni à le reconnaître ni à le méconnaître. À quoi bon le reconnaître ? La loi donne un droit aux ouvriers, nul ne peut leur en refuser, ni même leur en mesurer l’exercice. Reconnaître un syndicat serait une façon de dire qu’on peut se refuser à le faire, c’est-à-dire contester le droit des ouvriers. Leur droit est entier, mais celui du patron reste entier également. Quand M. Schneider dit qu’il ne fait pas de distinction entre ses ouvriers, et qu’il les traite de la même manière, qu’ils soient syndiqués ou non, il se place sur un terrain inattaquable : il ne commencerait à en sortir et à avoir tort que s’il refusait de recevoir ses ouvriers parce qu’ils seraient syndiqués. Telle est la doctrine de M. Waldeck-Rousseau, et il lui a donné une application immédiate. Les ouvriers avaient demandé à entrer en rapports avec la direction à des intervalles réguliers, pour lui présenter leurs réclamations. C’en est une qu’on ne pouvait accueillir que favorablement, et M. Schneider, qui se déclarait prêt à recevoir ses ouvriers tous les jours, soit personnellement, soit, en son absence, par ses représentans, ne faisait aucune objection à ouvrir tous les mois sa porte à leurs délégués. Mais comment ceux-ci devaient-ils être choisis dans les ateliers ? Les grévistes auraient désiré que ce fut mi-partie par les syndiqués et mi-partie par les non-syndiqués. Non, a répondu M. Waldeck-Rousseau. Voici d’ailleurs le passage de sa sentence qui se rapporte à ce point : « Considérant qu’admettre que chaque catégorie nommât des délégués différens, ce serait organiser le conflit et créer entre les uns et les autres une distinction qui ne saurait être