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nement, si le gouvernement allait à eux. Et le gouvernement y était allé d’abord, comme intermédiaire, dans la personne d’un sous-préfet et d’un préfet ; il y viendrait maintenant, comme arbitre, dans la personne de M. Waldeck-Rousseau. Va pour l’arbitrage de M. Waldeck-Rousseau ! Les ouvriers l’ont demandé, et il était bien difficile à M. Schneider de ne pas l’accepter.

Quant à la sentence de M. Waldeck-Rousseau, il faut rendre à son auteur la justice qu’il l’a faite aussi bonne qu’elle pouvait l’être. M. Schneider, dans les conversations qu’il avait eues avec M. le sous-préfet d’Autun et M. le préfet de Saône-et-Loire, s’était mis d’accord avec eux sur tous les points, sauf un seul, à savoir la reprise intégrale à l’usine de tous les ouvriers. Il refusait d’accepter sur ce point la discussion, et, par conséquent, de s’engager. Que ce fût son droit strict de ne pas reprendre quelques-uns de ses ouvriers, on ne saurait le nier, car la rupture du contrat qui liait les ouvriers à lui le déliait lui-même envers eux. Les ouvriers le sentaient bien, puisqu’en demandant à être tous repris, ils reconnaissaient implicitement qu’on pouvait ne pas le faire. Mais, le droit du patron une fois admis, était-il sage d’en user ? La grève, quelque intempestive qu’elle eût été, n’avait pas dégénéré en désordres graves, et l’on ne pouvait guère reprocher aux ouvriers que de s’y être mis mal à propos. Dès lors, il n’y avait pas lieu de pousser la sévérité à l’extrême. Mais M. Schneider avait-il l’intention de le faire ? Point du tout : dès les premiers mots qu’il a échangés avec M. Waldeck-Rousseau, il lui a fait connaître son dessein de reprendre tous les ouvriers sans exception. Une pareille déclaration devait mettre l’arbitre bien à son aise, au moins sur le point auquel les ouvriers portaient naturellement le plus d’intérêt. Les malheureux, après s’être condamnés à trois semaines de chômage sans savoir pourquoi, n’avaient pas d’autre désir que de se remettre au travail et de toucher des salaires ; mais le point d’honneur, et un sentiment de solidarité qu’on ne saurait désapprouver lorsqu’il n’est pas poussé trop loin, les portaient à demander que tous y fussent admis en même temps. Il est à croire que, si M. Schneider avait annoncé son projet de reprendre tout le monde lorsque le sous-préfet ou le préfet l’ont interrogé à ce sujet, tout se serait terminé aussitôt. L’arbitrage de M. le président du Conseil serait devenu inutile, ce à quoi il y aurait eu tout avantage, malgré ce qu’a d’ailleurs d’excellent la partie de la sentence qui traite des syndicats, et du rôle qu’ils sont appelés à jouer entre ouvriers et patrons.

Ici, M. Waldeck-Rousseau s’est souvenu qu’il avait été l’auteur