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des humoristes que M. Acker met en scène, cette exclamation : « Ah ! zut ! que c’est bête tout ça ! » D’autres causes encore motivent cette irritation. Se conformant aux préceptes de l’art de composer, l’auteur du livre sur l’humour et les humoristes s’efforce d’abord de donner une définition de l’humour. Il l’emprunte aux exemples des représentai les plus fameux de l’humour ; après quoi, il essaie de l’appliquer aux humoristes d’aujourd’hui. Il s’aperçoit qu’elle ne concorde pas. Cela le fâche. Qu’importe ? Et faut-il être dupe d’une étiquette ? Laissons donc de côté, et une fois pour toutes, la définition de l’humour. Laissons en paix les grandes ombres de Swift et de Dickens, celles pareillement de Rabelais et de Voltaire. Ces écrivains n’ont ici rien à faire et on n’en parle que pour embrouiller la question. Prenons nos humoristes pour ce qu’ils sont ; et, en leur conservant pour la commodité de l’étude la dénomination qu’ils ont adoptée, ayons soin d’abord de la vider de toute espèce de sens. Ils se sont attelés à la besogne d’amuser ceux qu’on est convenu d’appeler les « honnêtes gens » et qui constituent, comme on sait, une société fort mêlée. C’est une dure besogne. Ils y font preuve d’une exemplaire bonne volonté. C’est pourquoi on ne peut parler d’eux qu’avec sympathie et même avec une espèce d’apitoiement.

Ils ont apporté à la tâche commune des qualités très différentes. M. Willy est admirable pour la fertilité avec laquelle il inonde la France de calembours qui n’ont pas tous servi. Qu’il parle de musique, de littérature, ou des menus événemens de la semaine, à chaque détour de phrase, à chaque coin de mot, le calembour est embusqué : on l’attend, on le prévoit, on le devine : il arrive. C’est le calembour bon enfant, celui qui de tout temps a défrayé les almanachs et que le bon marché met à la portée de toutes les bourses, celui qui a consacré à travers le monde la réputation de nos commis voyageurs, et qui n’a pas son pareil quand on veut rire en société. Beaucoup de personnes goûtent le talent de M. Willy ; seulement il faut aimer le calembour. C’est dans le même genre qu’excelle M. Grosclaude, mais il y réussit par d’autres mérites. Tandis que le calembour, chez M. Willy, se recommande par son naturel et son abondance facile, chez M. Grosclaude, il séduit au contraire par son imprévu et on lui sait gré de la peine qu’il a prise de venir de si loin. Qu’il me suffise d’avoir indiqué ce thème d’un parallèle à la manière classique. En outre, M. Grosclaude a jadis fréquenté le monde parlementaire ; il a noté au passage les façons de s’exprimer qu’on a dans ce monde-là ; en cousant ensemble quelques-unes des locutions usitées dans le langage de la tribune française, il arrive