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congrue. Je ne jurerais pas que, sur ce point, le paysan français ne lui ressemblât pas un peu.

Après l’inégalité des ressources entre les écoles de bureau scolaire et les écoles libres, entre les écoles de ville et celles de village, ce qui choque, dans le système anglais d’instruction primaire, c’est l’extrême diversité des règlemens. Grâce à la latitude laissée par la loi Sandon aux autorités locales, les règlemens (bye-laws) sur l’obligation scolaire sont si variés et variables, que les comités de fréquentation et même les bureaux scolaires ont beaucoup de peine à les appliquer. Leur incohérence permet à beaucoup de parens avides d’exploiter leurs enfans et aux élèves vagabonds d’éluder la loi.

Si l’on vient au personnel enseignant, on est choqué de voir que l’instituteur est exclu de la plupart des comités scolaires, même des comités dirigeans des associations d’écoles, créés par la loi de 1897. La Société des écoles nationales fait des économies, même au détriment de la dignité et de la capacité du personnel enseignant. Abusant de l’article 68 du Code scolaire, elle engage, pour un grand nombre d’écoles de village, un instituteur marié et fait passer sa femme pour maîtresse-adjointe, quand même elle n’a aucune aptitude, voire aucun goût pour l’enseignement. De la sorte, la Société touche, de la part de l’Etat, une allocation pour deux maîtres ; mais elle n’en paye pas un penny de plus le pauvre instituteur. Ce serait encore peu.

Ce qu’il y a de pis, c’est que beaucoup de vicaires de village, avec une morgue aristocratique, traitent le maître d’école libre en paria. Ils en font le factotum de leur église : organiste, moniteur à l’école du dimanche, sacristain, etc., aucune besogne ne lui est épargnée. Et malheur à lui, s’il se plaint ou s’il réclame ! Il est immédiatement dénoncé à la Société nationale scolaire, comme rebelle et infidèle et peut être révoqué sans appel. Cette tyrannie exercée par le clergé anglican sur le personnel des écoles libres, dépendant de ladite Société, est un des abus qui ont soulevé les plus vives réclamations depuis de nombreuses années.

Une autre anomalie, c’est que la majorité des maîtres formés dans les écoles normales de la Société nationale et imbus de principes et de doctrines anglicans, sont appelés plus tard à enseigner dans les écoles de bureau scolaire ; or là ils sont tenus de ne donner à l’instruction religieuse aucun caractère dogmatique.