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Il résulte de cette inégalité un vrai dualisme qui amène une rivalité entre les écoles libres anglicanes et les écoles de bureau scolaire. C’est à qui obtiendra les allocations les plus élevées du Trésor public. Et quand, pour y parvenir, les moyens de concurrence loyale, l’émulation dans l’éducation des enfans ne suffisent pas, on a recours aux influences politiques et même aux procès de tendance. Les administrateurs des écoles anglicanes accusent leurs rivales d’être des foyers de scepticisme et d’athéisme ; les bureaux scolaires, à leur tour, reprochent aux directeurs des écoles libres leur bigoterie et leur esprit de prosélytisme. On intrigue auprès des inspecteurs généraux pour faire transformer telle école libre en école de bureau, ou pour enlever les enfans à l’école neutre, et l’on en vient, entre bergers de ces deux troupeaux, à ce qu’un membre du Parlement appelait d’une façon pittoresque : « se voler mutuellement ses moutons à l’aide des subventions de l’Etat. » (State aided sheep stealing.)

Mais il est une autre conséquence, non moins grave, de cette inégalité de ressources financières, c’est le misérable état dans lequel languissent une foule d’écoles de village. Ce même inspecteur, délégué par le Manchester Guardian pour visiter soixante villages des comtés de Bucks, Middlesex, dans son rapport cité plus haut, a fait une description navrante de la plupart des salles de classe et des logemens d’instituteur. Ici les salles sont trop petites, il a vu 62 enfans entassés dans une chambre de 42 mètres carrés et, en revanche, autre part 18 écoliers étaient comme perdus dans une salle de 260 mètres carrés. Qu’on se représente les souffrances des enfans, l’hiver, avec des moyens de chauffage rudimentaires ! Ailleurs, c’est l’eau qui manquait ou bien il fallait aller la chercher très loin, de sorte que les locaux de l’école étaient sales. Voilà pour les écoles libres. Mais il y a, paraît-il, dans le pays de Galles des écoles de bureau scolaire, qui ne valent guère mieux et voici pourquoi. C’est que les madrés paysans, seuls contribuables, ont fait en sorte d’élire au bureau scolaire les candidats qui ont promis de lever la taxe scolaire minima. En général, le paysan anglais préfère l’école libre à celle de bureau scolaire, afin d’éviter la levée de contributions ad hoc — et, s’il ne peut empêcher la création d’un bureau scolaire, du moins fait-il tout son possible pour réduire tes dépenses de l’école à la portion

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  1. Discours de M. Lloyd George à la Chambre des communes, 7 mars 1899.