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La musique se compose de quatre élémens : mélodie, rythme, harmonie et timbre. Dans la musique moderne, j’entends la plus récente, celle d’aujourd’hui, l’harmonie et le timbre ont pris la plus grande place. La musique de la Grèce presque tout entière, et durant des siècles, n’a consisté que dans le rythme et dans la mélodie. Il est vrai qu’à cinquante années d’intervalle, deux des théoriciens les plus fameux de l’antiquité, Aristoxène et Ptolémée, ont traité de l’harmonique. Mais celle-ci, telle que l’un et l’autre l’entendaient, n’avait rien de commun avec ce que nous appelons aujourd’hui l’harmonie, c’est-à-dire la formation et l’enchaînement des accords. Ptolémée a défini l’harmonique : « La faculté de percevoir et de démontrer les lois qui régissent les sons dans leurs rapports mutuels d’acuité et de gravité. » Quant à l’harmonie elle-même, les anciens l’ont à peine connue et pratiquée. Il paraît certain qu’ils n’écrivirent jamais à plus de deux parties : une voix accompagnée par un instrument, ou deux instrumens concertans. Toute musique vocale avait l’unisson pour règle et pour règle sans exception. Ce fut là sans doute pour la chorale antique une cause de monotonie, mais non pas de faiblesse. Sur une scène ou dans une salle moderne, écoutez aujourd’hui soit un chœur fugué de Bach, soit le chœur de l’arrivée du cygne, de Lohengrin, ou le dernier finale des Maîtres chanteurs ; mais que demain, en un jour de prière ou de fureur, la foule entonne le Credo liturgique ou la Marseillaise, alors vous déciderez si la plus grande puissance est du côté de la polyphonie ou de l’unisson.

Presque exclusivement homophone, il s’ensuit que la musique antique ne fut pour ainsi dire pas instrumentale. Elle le fut cependant un peu. L’antiquité n’a pas, comme le moyen âge, pratiqué le chant non accompagné ; mais elle n’a pas ignoré complètement la musique sans paroles, et c’est un instrument, la lyre, que la musique a pris autrefois et garde encore pour emblème. Les divers instrumens antiques peuvent se ramener à deux types modernes. Tous les instrumens à cordes (lyres et cithares) étaient de la famille de nos harpes ; tous les instrumens à vent (αὑλοι (hauloi)) ressemblaient à nos flûtes, hautbois et clarinettes. Harpes imparfaites ; clarinettes, hautbois et flûtes primitives. La musique pure n’employait, en fait d’instrumens à vent, que les « bois » ; les « cuivres » étaient réservés pour le culte religieux et pour la guerre. Quant aux « cordes » elles-mêmes, l’usage et l’effet devait