arracher les secrets rétrospectifs de sa police ; tantôt enfin, on suspectait ses relations avec divers personnages connus pour être des partisans de Bonaparte ou de la république, des généraux notamment.
On répandait le bruit qu’à son passage au ministère de la Police, « il s’était diverti à faire surveiller Monsieur, ainsi que les princes et princesses de la famille royale. » A la faveur de ces accusations, des hommes sans mandat ouvraient contre lui, dans un rigoureux mystère, des enquêtes variées sur divers épisodes de sa vie ministérielle, avec l’espoir de le prendre en faute et de le déshonorer aux yeux du roi, au moyen de quelque procès retentissant et scandaleux, établi sur ces dires et dont il eût été le héros et le condamné. C’est la faction des ultras qui rêvait ces vengeances et mettait en circulation ces calomnies, dans un excès de haine contre l’homme d’Etat qu’elle accusait d’avoir retardé de plusieurs années son avènement au pouvoir. Il y avait là un fonds inépuisable, dont s’alimentait souvent la correspondance du roi avec Decazes.
Parfois aussi, mais plus rarement, c’est la politique extérieure qui en faisait les frais. Comme tous les hommes qui ont passé de longues années aux affaires et qui, les ayant quittées, se croient encore autorisés à donner des conseils à leur successeur, Decazes ne pouvait se déshabituer d’en faire entendre, aussi bien sur les incidens du dehors que sur ceux du dedans. En cette année 1820 et peu de temps avant la chute de Decazes, avait éclaté en Espagne une insurrection contre le triste Ferdinand VII, ayant pour but non de le précipiter de son trône, mais d’amoindrir sa puissance dont, depuis son avènement, il avait odieusement abusé. Les insurgés victorieux venaient de lui imposer une constitution, — celle dite de 1812, votée par les Cortès de Cadix, — qui le dépouillait des principaux attributs du pouvoir royal et laissait sans garanties son autorité. A peine averti de ces incidens dont, dans les environs de Bordeaux, il avait reçu plus vite la nouvelle que s’il se fût trouvé à Paris, Decazes adressait au roi tout un programme de conduite à tenir et de résolutions à prendre, tel qu’il eût eu le devoir et le droit de le formuler s’il avait été encore président du conseil.
« Je crois bon, utile, indispensable que le Roi saisisse cette occasion pour faire voir à l’Europe que la France peut encore quelque chose et que la maison de Bourbon ne se laisse pas sans