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parfaite en tout point. En voici la dernière phrase (versionnée) : « Je regarde la nomination que Votre Majesté a faite du duc Decazes comme votre ambassadeur auprès de moi comme un nouveau gage de l’amitié de Votre Majesté, sachant à quel degré il possède son opinion favorable. Je recevrai le duc Decazes avec la cordialité qui est due au représentant d’un souverain qui commande toujours mon intérêt le plus chaud et mon attachement le plus dévoué.

Flebunt Germanicum etiam ignoti.

« Vous saurez sans doute, avant de recevoir ceci, que la loi a passé hier à la Chambre des Pairs avec une majorité de 62 voix, et que Pasquier a parlé à merveille[1]. Il n’y était pas. Adieu, cher duc.

Ce mardi, 29 février. « Louis. »


Le lendemain, le royal signataire de ces billets si affectueux et si confians eut « un des plus fameux désappointemens qu’il soit possible d’avoir. » Le directeur général des postes lui fit porter une lettre en le prévenant qu’elle était de Decazes. Le roi ne reconnut pas l’écriture de son favori, mais il brisa le cachet, ouvrit, et s’aperçut alors seulement qu’il y avait eu erreur. « C’était de Mme Chanson. » Il racontait sa déconvenue à son ami sans lui avouer cependant que, dans cette lettre d’une inconnue où il était question de lui-même, il avait lu cette phrase : « Le roi n’aime que des yeux et non du cœur. » Il ajoutait ensuite : « J’ai envoyé ce matin chercher votre beau-père. On m’avait dit, et avec quelque raison, qu’il avait le projet de réengager l’affaire Clausel de Coussergues. Mais, je l’en ai dissuadé. Quand j’ai lu la manière dont ce Clausel a retiré son odieuse proposition, j’ai d’abord refusé d’en croire mes yeux. J’aurais dicté sa lettre au Président qu’elle ne serait pas autre. Si le retrait eût été pur et simple, il eût pu être fâcheux ; mais, tel qu’il est, il traîne le Clausel dans la boue. C’est un brigand qui, satisfait de la bourse d’un voyageur, n’attaque pas sa vie. »

Le jour même où le roi traçait ces lignes, l’incident qu’il avait

  1. C’est de la loi qui rétablissait la censure qu’il est ici question. Elle avait été présentée par Decazes après l’assassinat du Duc de Herry. Il, dont parle le roi, n’était autre que Chateaubriand, qui, en effet, n’assista pas à cette discussion.