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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 septembre.


La quinzaine qui vient de s’écouler a été, à l’intérieur, une quinzaine de liquidation. Non pas, malheureusement, de liquidation complète. Si quelques affaires sont arrivées à leur terme, il en est d’autres qui se prolongent et qui traînent. Mais, enfin, il est permis de croire que la question Dreyfus est close, et cela suffirait pour donner au pays l’impression d’un grand soulagement. On sait déjà que Dreyfus a été gracié, et ce n’est certes pas nous qui reprocherons au gouvernement cet acte de clémence, puisque nous l’avons suggéré et conseillé. Il y avait deux choses dans cette affaire : l’affaire elle-même avec tous les développemens qu’on lui avait donnés, et la personne de Dreyfus. La première devait gagner à être allégée de la seconde. Il importait peu que Dreyfus fit matériellement la peine, toute la peine à laquelle il avait été condamné : le gouvernement l’en a dispensé et il a bien fait. Il a invoqué des considérations de pitié qui ont leur valeur. Mais, pour nous, il y avait encore une autre raison d’accorder sa grâce à Dreyfus ; c’est qu’en le délivrant lui-même, on pouvait espérer être délivré de lui, et arriver enfin à cet apaisement, qui, pour tous les hommes de sang-froid, est si désirable. Il fallait seulement prendre les précautions nécessaires pour que sa grâce restât effectivement un acte gracieux, c’est-à-dire facultatif et libre de la part du gouvernement, et qu’on ne pût le présenter, ni comme un acte de réparation obligatoire, ni surtout comme un désaveu de l’arrêt de Rennes. En un mot, c’est Dreyfus déclaré coupable par le conseil de guerre qui devait être gracié, et non pas Dreyfus déclaré innocent par ses partisans et ses amis.

Le gouvernement l’a compris. On a dit que l’accord ne s’était pas fait entre ses membres sans tiraillemens ni difficultés. Cela est possible et même probable, mais, au total, indifférent. Nous sommes en présence de deux actes officiels et publics d’un intérêt égal, et, malgré quelques différences de forme, d’une même venue : le Rapport adressé