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dans l’Inde (Bombay, 1896), où elle s’est implantée et où elle a fait rage. De là elle a rayonné dans tous les sens. Elle a pénétré dans le golfe Persique, vers le nord ; elle a gagné, vers le sud, l’Afrique portugaise orientale (épidémie de Lourenço Marquez, 1899), l’île de Madagascar (épidémie de Tamatave, décembre 1898 à février 1899), l’île Maurice et l’île de la Réunion (1899) ; enfin, vers l’extrême Occident, elle a atteint l’Amérique du Sud. Son apparition vient d’être officiellement constatée dans la ville d’Assomption, capitale du Paraguay (septembre 1899).

On a découvert récemment deux nouveaux centres endémiques : l’un en Asie à la frontière russo-chinoise, dans le voisinage du lac Baïkal (peste des Sarbagans) ; l’autre en Afrique, dans l’Ouganda, au voisinage des grands lacs. M. Netter, à qui nous emprunterons une grande partie de nos renseignemens, pronostique quelque célébrité retentissante à ces deux foyers, fâcheusement situés sur le trajet des deux plus grandes voies ferrées qui seront l’œuvre du siècle prochain, le Transsibérien d’une part, le Transafricain de l’autre.

Il existe encore d’autres foyers. L’un, très important, signalé par Tholozan dans la partie élevée du bassin de l’Euphrate, a été le point de départ des épidémies qui ont désolé de 1856 à 1867 les villes de Hillah, Bagdad et Bassorah. Un autre est installé vers les frontières de l’Arménie et du Caucase ; un dernier enfin dans l’Assyr qui est un district montagneux de l’Arabie.

L’Europe Occidentale se trouve donc menacée de divers côtés. Il est possible qu’avant longtemps, elle ait à lutter sur terre et sur mer contre les réveils du fléau et la force effrayante d’expansion virulente qui se manifeste dans ces centres engourdis, sous l’influence de conditions favorables. Mais pour le moment, il semble que la peste ne puisse venir à l’Europe que des foyers de la Chine ou de la presqu’île Hindoue, et par la voie rapide, la voie de mer. Sur terre, la marche du fléau est lente : il gagne de proche en proche, sans sauts brusques, sans envolées ; il procède pas à pas, comme le typhus. Il fait le tour du monde comme un touriste pédestre. Desgenettes, le célèbre médecin de l’armée d’Egypte, déclarait qu’un fossé suffit à l’arrêter. La maladie aurait des chances d’être cernée et étouffée sur place dans les solitudes clairsemées et sans routes rapides qui séparent nos pays de ceux où il prend naissance. C’est donc par la route maritime, par