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tendresse, qu’il peut être sûr d’avoir acquis des droits sacrés sur la mienne. Adieu, petit frère !

CLEMENTINE COURCELLES.

N’est-ce point là une belle lettre, discrète et douce, bien digne de la « tendre amitié » qui l’a inspirée ? Ce refus d’aller voir Castellane, cette résolution d’y aller pourtant, ces plaintes aussitôt contenues, et jusqu’au changement du ton, jusqu’à l’absence des « baisers » par lesquels se terminaient les lettres précédentes. tout cela n’a-t-il pas une éloquence touchante ? Et l’on se rappelle comment, pendant deux mois, la jeune femme est devenue sans cesse plus familière avec Castellane, comment elle a compté sans cesse davantage sur le bonheur qu’elle aurait à passer avec lui les premiers jours de sa liberté. « Vos sœurs, votre famille entière, — lui écrivait-elle, — vous aiment et vous désirent avec autant d’ardeur que vous désirez votre liberté. Chaque instant qui retarde votre arrivée au milieu de nous est, soyez-en certain, un supplice pour les cœurs où vous régnez par la plus tendre et la plus véhémente amitié ! » Ou encore, un jour qu’elle s’excusait de ne pouvoir venir au Plessis : « Cher petit frère, il vaut mieux s’occuper de vous que d’être avec vous. Nous serons ensemble, ensuite, tant que nous voudrons ! » Vingt fois elle lui annonce « qu’elle espère l’aller chercher cette nuit. » Et ce sont tous ces beaux rêves qui s’effondrent d’un seul coup ; et elle n’est même pas invitée à être témoin de cette libération qu’elle a si constamment, si passionnément souhaitée !

Le marquis de Castellane la revit-il, en sortant du Plessis ? Tout porte à le supposer, car on devine, à travers les lettres de Clémentine, qu’avec ses colères et ses impatiences, il avait l’âme délicate, et savait gré à la jeune femme de son dévouement. Mais les registres de la commune d’Aubergenville nous apprennent que, dès le 26, le Conseil municipal de cette commune était convoqué pour donner acte à Castellane de sa comparution : et depuis ce moment, sans doute, toutes relations auront cessé entre les ci-devant d’Aubergenville et les républicains de la rue du Faubourg Honoré, puisque nulle trace n’est restée, dans les papiers de la famille de Castellane, qui permît même de deviner ce qu’étaient les Courcelles et ce qu’ils sont devenus.