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l’opinion de Castellane sur certain « hymne » qu’elle envoie, par paquets, à la citoyenne Laly, pour être distribué aux prisonniers du Plessis : mais son « hymne » doit être, sans aucun doute, un de ces chants patriotiques que faisait naître, tous les jours, le persistant succès de la Marseillaise ; et nous ne serions pas surpris que Rouget de Lisle lui-même eût collaboré à cet hymne-là, les Courcelles se trouvant, à cette époque, en relations journalières avec lui. Serait-ce, par hasard, un morceau que Clémentine aurait « créé » dans quelque théâtre ou sur quelque place publique, et pourrait-on s’expliquer ainsi le titre d’ « artiste » qu’elle se donne dans une de ses lettres ? Ou bien Clémentine serait-elle peintre, ce qui expliquerait ses relations avec David et l’académicien Taillasson[1].

Mais, quel que fût son « art, » elle l’a sûrement sacrifié aux intérêts de son « petit frère, » durant les deux mois qu’il a passés à la prison du Plessis : car elle lui rend compte, heure par heure, de toutes ses actions, et il n’y en a pas une qui n’ait pour objet de lui être agréable ou de le servir. Malade, à demi morte de fatigue, sous la pluie et le vent, elle poursuit ses démarches : après quoi elle passe des soirées entières à attendre, dans la loge des Haly, que ceux-ci l’autorisent à voir le prisonnier. « Vous m’avez tellement affectée hier soir, — lui raconte-t-elle le 20 fructidor, — que j’ai été obligée de m’arrêter en route chez une personne de connaissance ; et là, je me suis trouvée mal, mais bien mal, et je me ressens encore de mon indisposition, car j’ai reçu, en outre, la grande averse tout entière. »

Qui était-elle donc, cette amie de Castellane ? Où l’avait-elle connu ? Et par quel hasard avait-elle été amenée à le prendre ainsi sous sa protection ? C’est ce que, malgré tous nos efforts, nous ne sommes malheureusement point parvenus à découvrir. Ni dans les journaux du temps, ni dans les dossiers des Archives, nous n’avons trouvé aucune mention d’une famille Courcelles pouvant avoir quelque rapport avec les Courcelles qui nous occupaient. La syllabe « Var…, » non plus, ne nous a rien donné ; et nous avons vainement cherché un nom d’ « artiste » de la période révolutionnaire qui correspondît, si peu que ce fût, à ce que les lettres de Clémentine nous apprennent sur elle. Seul le nom de Raby a failli nous mettre sur une piste ; et encore est-elle si

  1. Une certaine Joséphine Courcelles, artiste peintre, a été attachée au Muséum sous le Consulat.