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qui regarde la Chine, nous nous trouvons au sommet de l’amphithéâtre d’une sorte de cirque où naît un torrent peu considérable, et qui, de même que le cours d’eau directement opposé, par le lit duquel nous avons fait notre ascension, porte le nom de Terek. C’est d’ailleurs une règle à peu près constante, dans toute l’Asie centrale, que les cours d’eau coulant en sens inverse l’un de l’autre, et prenant naissance à un même col, portent le même nom. Il en résulte même une difficulté assez sérieuse pour les géographes et les voyageurs. On retrouve fréquemment cette particularité en Turquie d’Asie et aussi dans l’ancienne géographie romaine. Chaque fleuve de quelque importance change vingt fois de nom sur l’étendue de son cours : on a souvent peine à l’identifier avec lui-même dans ses diverses parties. Mais, en revanche, il est assuré de porter toujours, dans sa partie supérieure, le même nom que son plus proche voisin. Ainsi il y a deux rivières du nom de Taldyk, deux Mourg-Ab, deux Ak-Sou. Il y a un nombre infini de rivières Terek, accouplées deux à deux, ce nom étant commun à un très grand nombre de cols. Il y a aussi, et cela est important à noter, tant au point de vue géographique qu’au point de vue de notre itinéraire actuel, deux Kizil-Sou, partant tous deux du mont Gouroumdi, l’un des principaux sommets du Transalaï, et se dirigeant l’un vers l’Ouest, l’autre vers l’Est. Le premier, qui coule au fond de la grande vallée d’Alaï, n’est autre chose que le cours supérieur du Sourk-Ab, l’une des principales têtes de l’Oxus. L’autre, qui va droit à l’Est, portera plus bas le nom de Kachgar-daria : c’est l’une des têtes du grand fleuve Tarim, l’affluent du Lob-Nor, et l’artère médiane de la dépression centrale du continent asiatique. C’est ce fleuve que nous allons descendre pour gagner Kachgar. Il nous faut d’abord l’atteindre.

Le torrent qui ruisselle sur le versant sud du Terek-Davan est profondément encaissé. Il fuit entre deux murailles rocheuses, souvent à pic, par une série de chutes rapides. Moi, qui suis fort sujet au vertige et qui, en dépit de mes ascensions nombreuses, ne ferai jamais qu’un alpiniste médiocre, j’aurais volontiers suivi le fond de son thalweg, excellent moyen pour ne pas perdre la route, et pour éviter les chutes d’une grande hauteur. Mais il paraît que c’est impossible : il y a des cascades. Les bêtes ne passeraient pas, les gens non plus, peut-être, et en outre on risquerait fort d’être écrasé par des éboulemens de rocs et des avalanches de pierres : par ce froid, il s’en produit beaucoup. Chi-Othman, qui nous