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noms d’Amérique espagnole, d’Amérique latine ne sont d’ailleurs pas exacts. Il reste bien peu d’Espagnols et de Portugais de sang pur, ou même de sang mêlé. Africains et Indiens sont en majorité. De plus, les Français, les Anglais et les Allemands se mêlent aux Espagnols. Le Brésil est en grande partie nègre. Il y a au moins 12 millions de noirs et de mulâtres, un million d’Indiens purs ; les Portugais, les Allemands et les Indiens métis ou civilisés forment le reste. Il y a très peu de familles portugaises pur sang, et le climat, excepté sur les hauteurs, ne permet pas la propagation de la race européenne dans sa pleine vigueur physique et mentale. Selon M. Curtis[1], même dans les provinces du Sud américain, la plupart des colonisateurs ont succombé aux influences du climat. Est-ce la faute de l’Espagne ?

Dans les contrées plus tempérées, c’est par l’énergie indomptable, par l’esprit d’initiative et le sentiment d’indépendance, autant que par l’intelligence même, qu’on peut se flatter de réussir. Les Yankees, — Anglo-Saxons mélangés de sang allemand, français, etc., et modifiés par le climat américain, — sont bien connus pour leur activité fiévreuse, leur hardiesse poussée jusqu’à la témérité, leur admiration de la force et du succès, leur absolue indépendance personnelle. Les Etats-Unis sont un pays de lutte et de conquêtes industrielles, où les qualités des esprits courageux et conquérans retrouvent, sous une forme pacifique, tout leur emploi et tous leurs succès ; quiconque ne possède pas les conditions requises de caractère et d’esprit a bientôt disparu et ne peut faire souche. De là une sélection. Tandis que l’Anglo-Saxon prospère, l’Irlandais trop souvent végète, hormis comme politicien, l’Italien meurt de faim. Quant à l’Espagnol, il n’a pas le génie industriel ni l’ambition insatiable de l’Anglo-Saxon. Dans les républiques qu’il a fondées, il n’a pas développé cette passion d’affaires et d’industrie qui se trouve aux Etats-Unis. Les Espagnols ont d’ailleurs conservé en partie leurs préjugés contre le travail et leur peu de goût pour mettre personnellement la main à la besogne. De plus, ils se sont mêlés à la population indienne et africaine, l’ont laissée se développer à leurs dépens dans des proportions énormes. Enfin, l’absence de lutte industrielle très intense et la prédominance des intérêts agricoles sur tous les autres a laissé le champ libre aux politiciens. Ces

  1. Capitals of Southern America, 706.