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fait dont il faut tenir grand compte. L’Espagne se trouve ainsi, avec l’Angleterre, le pays le plus homogène d’Europe sous le rapport de la race. Tous les deux sont dolichocéphales, mais l’un de la race brune du midi et l’autre de la race blonde du nord. La ressemblance fondamentale entraîne, en Espagne comme en Angleterre, une remarquable unité de caractère national sous les variétés les plus grandes de provinces. Il n’y a jamais eu d’immigration en masse de brachycéphales ou crânes larges par-dessus les Pyrénées. C’est seulement dans les provinces dominées transitoirement par les familles germaniques, Suèves en Galicie, Goths à Tolède, Vandales en Andalousie, que la largeur des têtes augmente un peu. Ce n’est pas le fait de la race germanique elle-même, mais, selon la remarque de M. Otto-Ammon, des serfs brachycéphales amenés de Gaule par les Germains. M. Federico Oloriz, professeur d’anatomie à l’Université de Madrid, a publié un admirable livre sur la Distribution geografica del indice cefalico en España (1894) et montré que la population est presque entièrement dolichocéphale brune. Les villes ont un indice à peu près égal à celui des campagnes, quoiqu’on général plus bas encore. Par tous ces traits, l’Espagne ressemble à la Sicile et à l’Italie du sud, mais non à l’Italie du centre et encore bien moins à celle du nord. Quant à la France, elle n’offre avec l’Espagne aucune ressemblance de race, si l’on excepte une faible partie de nos Méditerranéens et nos Basques. On voit ce qu’il faut penser de tous les lieux communs antiscientifiques sur les races latines, qui remplissent les journaux et leur fournissent au besoin des argumens. Ces diverses races n’ont rien de latin, sauf la culture, et rien ne ressemble moins à un Français qu’un Italien et un Espagnol, qui eux-mêmes ne se ressemblent pas entre eux.

L’ensemble d’influences ethniques subies par l’Espagne a produit une race forte et vigoureuse, au crâne volumineux. Le Castillan en représente bien le type moyen, dolichocéphale brun au visage ovale. L’Espagnol est généralement de petite taille, aux muscles fermes, sobre, très endurci à la fatigue, supportant toutes les privations. La femme espagnole, — grands yeux noirs, longs cils épais, taille cambrée, port onduleux, — est aussi du type méditerranéo-sémitique. Le tempérament espagnol est le plus souvent bilieux-nerveux. C’est dire que, brûlant d’un feu intérieur, il sait comprimer la passion qui le consume. C’est dire aussi qu’il est capable de couver les rancunes à longue