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L’ensemble du plateau sec et froid qui s’étend depuis les Pyrénées cantabriques jusqu’à la Sierra Morena rappelle par plusieurs points la Russie. « Trois mois d’enfer et neuf mois d’hiver. » Une race sèche elle-même vit au milieu de cette sécheresse. L’Espagnol a jusque dans son caractère quelque chose d’âpre comme la brise de ses sierras, de dur comme son sol, de brûlant comme son soleil.

À peine séparée de l’Afrique par un étroit canal, l’Espagne se trouve a la rencontre des deux continens. Dès la plus haute antiquité, les populations berbères, qui semblent un mélange de la race méditerranéenne à crâne long et de quelques tribus noires d’Afrique, ont pu se répandre en Espagne, comme le prouvent les fouilles faites dans les cavernes et dans les sépultures. Ibères et Berbères sont analogues. Non seulement ils remplirent la péninsule, mais ils débordèrent en Gaule (où les Basques sont leurs descendans) et au nord de l’Italie. Les Phéniciens, de race sémitique, conséquemment, aussi, méditerranéenne à crâne long, n’apportèrent pas d’élément ethnique vraiment nouveau ; mais, concurremment avec les Grecs, ils établirent leurs marchés et leurs comptoirs sur la côte d’Andalousie et jusque dans l’intérieur, sur le Guadalquivir. Plus tard, les Celtes font leur invasion par le nord ; leurs crânes se retrouvent dans des sépultures plus récentes que celles des Ibères. Strabon, Pline, Ptolémée distinguent avec soin, parmi les tribus espagnoles, les celtiques et les ibériques. Fondues au pied des Pyrénées, elles forment la Celtibérie, puissante et redoutée. Puis l’Espagne devient carthaginoise, subissant ainsi de nouveau l’influence sémitique.

D’Europe en Espagne, d’Espagne en Europe, difficile est le passage ; difficile aussi d’une région intérieure à l’autre. Il y a peu de pays où les communications fussent si rares qu’en Espagne, grâce au relief compliqué du sol et à l’absence de neuves navigables à l’intérieur. Doublement isolés, les Ibères se renfermaient volontiers en soi. C’est une des causes, sans doute, qui concentrèrent de plus en plus des tribus déjà farouches et peu communicatives. Les anciens opposent sans cesse l’Ibère, ami de la solitude, au Celte, amoureux de camaraderie, vivant en société, avide de nouvelles, prodigue de discours, étourdi et mobile, lançant partout ses hordes mouvantes. Les Ibères, dit Strabon, étaient divisés en petites tribus montagnardes qui ne se