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serait juste que, dans l’abandon accompli de ses colonies, l’Espagne rencontrât un jour le germe de son relèvement.

Pour les Etats-Unis, une colossale affaire se dessine. Cuba, couverte de fermes, d’usines, de hauts fourneaux, sillonnée de routes, rattachée à Key-West, à la Floride, à la Nouvelle-Orléans par les fils abondans et entre-croisés d’un réseau de lignes maritimes, ses rades magnifiques et ses ports profonds suppléant à ceux que n’avait pas l’Union sur le rivage d’en face, sans cesse alimentée d’hommes et d’argent par les Etats-Unis, sans cesse les alimentant de produits et de matières premières, Cuba va être en leurs mains une carte de plus et un atout dans le jeu de ce monde, qui est ou qui sera bientôt le jeu des deux mondes. Politiquement, l’Amérique aux Américains, c’est-à-dire l’Amérique aux Etats-Unis : le développement de leur puissance leur en fait une loi ; mais l’heure approche où le développement même de leur richesse leur fera une obligation ou leur sera une tentation d’ajouter : « Economiquement, l’univers aux Américains. » — Nous, cependant, en dépit de toutes les Conférences de la Paix, nous sommes encore très loin des Etats-Unis d’Europe, et même du Zollverein européen ! Notre diplomatie a-t-elle un plan ? a-t-elle une idée ? S’est-elle dit seulement qu’elle aurait à nous défendre, et demandé comment elle nous défendra ?


CHARLES BENOIST.