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Au surplus, que telle fût bien la pensée des commissaires américains, ils ne s’en cachaient pas et même le déclaraient explicitement. Le fond de leur raisonnement était que, dans ce qu’on appelait la dette cubaine, il y avait avant tout une dette espagnole, — ce que niaient avec énergie M. Montero Rios et ses collègues. — De quoi se compose la dette cubaine et comment s’est-elle formée ? Suivant le mémorandum américain, avant 1861, cette dette n’existait pas. Les revenus de l’île étaient plus que suffi sans pour couvrir ses dépenses, et laissaient un excédent, qui ne tournait pas d’ailleurs à son profit, et qui s’en allait à Madrid ; excédent qui, de 1856 à 1861, n’aurait pas été inférieur à 20 millions de pesos ou 100 millions de francs. En 1864, lorsqu’il fallut faire face aux frais de la réincorporation de Saint-Domingue et de l’expédition du Mexique, les autorités espagnoles émirent des bons pour la somme de 3 millions de pesos — 15 millions de francs. Dans la suite elles firent de nouveaux emprunts, si bien que, en 1868, la dette cubaine atteignait 18 millions de pesos — 90 millions de francs. Ce n’était encore rien. Mais survint la guerre de Dix ans, où l’argent fondit, et pour la liquidation de laquelle Cuba se trouva si lourdement chargée que sa dette, on 1880, dépassa 160 millions de pesos — 800 millions de francs. C’est pour la consolidation de cette dette ou de ces dettes d’origine diverse que le gouvernement espagnol créa, six ans après, en 1886, les billets hypothécaires de l’île de Cuba, à concurrence de 124 millions de pesos — 620 millions de francs. Finalement, en 1890, — toujours selon le mémorandum américain, — le gouvernement espagnol aurait autorisé une seconde émission de bons, pour la somme de 175 millions de pesos, — 875 millions de francs, — à l’effet apparemment de refondre et d’unifier l’ancienne dette et de couvrir celles contractées entre 1886 et 1890 ; mais il semblerait qu’une faible partie seulement de ces bons ait été placée lorsque éclata la dernière insurrection, en février 1895. Le gouvernement dut alors se procurer des ressources pour réprimer l’insurrection, de sorte que les bons existant au 1er janvier 1898 représentaient, à en croire les documens publiés, un total de 171 710 000 pesos — 850 500 000 francs. En outre, il aurait été lancé un autre emprunt de 800 millions de francs, dit Emprunt pour pourvoir aux frais de la guerre de Cuba, en bons à 5 pour 100 ; et, quoique, sur ces bons, aucune mention ne soit faite des rentes de Cuba, il aurait été entendu en Espagne que ces 800 millions,