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grains, farines, riz, coton, et autres produits de l’industrie, de bois et articles divers qui s’ouvriraient un marché dans cette île, en échange de son café, de son sucre, de son tabac, etc. Ses productions, d’ailleurs, iraient en augmentant à mesure qu’augmenterait sa population, et le développement de ses ressources tournerait au bénéfice de tous les États de l’Union[1]. »

Mais M. Buchanan veut serrer la question de plus près, et, en homme pratique, qui sait que les affaires d’Etat sont tout de même des affaires, il l’étudié commercialement. « Si l’on trouvait le cabinet de Madrid disposé à se défaire de l’île de Cuba, alors se poserait la question : Qu’est-ce qu’on en doit offrir ? Pour fixer cette somme, il est important de vérifier : 1° quel est le revenu liquide qu’en retire présentement le Trésor de la Métropole ? 2° à combien montera pour les États-Unis le revenu net, dans l’état actuel de Cuba ? Il m’est difficile de répondre sur le premier point avec l’exactitude nécessaire. M. Mac-Culloch, dans son Gazeteer, dit que « les revenus de l’île entière pour la période de cinq ans [[qui s’est achevée en 1837 s’élevaient à 8 945 581 duros par an ; » et, dans le Hunt’s merchant’s Magazine d’octobre 1845, il est dit que le revenu pour 1844 montait à 10 490 252 pesos. Après 1844, le département manque de données dignes de foi. M. Calderon m’a informé que la trésorerie de Madrid n’a jamais reçu plus de 2 millions de duros, et, comme je lui demandais à quoi se dépensait alors le surplus de la rente, il m’a répondu : à défrayer le gouvernement colonial ; à payer les troupes et à entretenir les vaisseaux de guerre nécessaires pour la défense et la sécurité de Cuba. »

Tout bien considéré, le secrétaire d’Etat, d’accord avec le Président, offrait 50 millions, et au maximum, pour en finir, 100 millions de pesos — 500 millions de francs. — On sait que l’offre fut faite formellement et déclinée ; que, plus tard, en 1853 et 1854, la négociation fut reprise par M. Marcy, l’un des successeurs de M. Buchanan, et M. Pierre Soulé, l’un des successeurs de M. Saunders[2] ; qu’elle n’eut pas un meilleur succès, mais que, plus tard encore, en 1869, M. Sickles, ministre des États-Unis à Madrid, n’en revint pas moins à la charge auprès du général Prim, qui lui non plus ne céda pas, bien qu’il eût, dit-on, à de certains momens, paru prêter une oreille complaisante ;

  1. Voyez D. Carlos de Sedano, Cuba, estudios politicos, p. 18.
  2. M. Soulé se croyait autorisé à offrir jusqu’à un milliard (200 millions de pesos). Voir D. Carlos de Sedano, Cuba, estudios politicos.