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Chaque année 40 à 50 misérables viennent mourir en paix, soignés et consolés dans cet asile de charité. Quelques-uns arrivent in extremis et ne vivent que quelques jours. D’autres doivent mourir petit à petit, dans de cruelles souffrances, couverts de plaies hideuses, qui dévorent leurs membres, en commençant généralement par les extrémités.


Au-dessus de Mandalay l’Irrawaddi continue à étaler la vaste nappe de ses eaux, dans la même large vallée monotone, à travers de nombreuses îles.

Il coule paisible jusqu’à Schwegou et jusqu’à son premier rapide, près de la grande île de Kiong-Daw-Gyi, aux mille pagodes, qui attire chaque année, à la fête de Mars, plus de 2 000 pèlerins.

La navigation est toujours très active, et, jusqu’à Bhamo, d’immenses navires de 98 mètres de longueur sur 23 de largeur sillonnent le fleuve.

Ces bateaux, pour lesquels les roues sont préférées à l’hélice, sont flanqués d’un ou deux chalands plats presque aussi longs que le steamer. Une petite partie, à l’avant du pont supérieur, est réservée aux passagers de première classe et compte quatre grandes cabines, véritables chambres, très confortables. Tout le reste est livré à des marchands et marchandes, rangés en quatre longues files qui présentent l’aspect de rues. Les boîtes d’emballage superposées forment rayons le long du bord, et, à chaque escale, même le soir, sous la lumière électrique, les indigènes se pressent curieux sur le grand navire pour acheter et quelquefois pour vendre. Ce sont de vrais bazars ambulans qui développent le commerce, et, partant, les besoins. Des centres commerciaux se créent jusqu’aux limites de la civilisation, dans des contrées peu habitées, si j’en juge par le petit nombre des escales, qui ne dépassent guère deux ou trois par jour en comptant l’escale du soir.

De longues guerres ont ravagé le pays et décimé la population. On compte beaucoup, pour l’augmenter, sur les Hindous et les Chinois établis maintenant en grand nombre dans la Birmanie.

Mon lecteur me saura gré, sans doute, de lui épargner les nombreuses et monotones escales le long du fleuve et de le transporter tout de suite à Bhamo, à 1 450 kilomètres de la mer. Les maisons de bois de cette ville, son bazar et ses pagodes s’étagent sur les berges, dans un coude du fleuve qui forme lac. Sa grande