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Ce n’est pas que l’instruction ne soit plus généralement répandue qu’en beaucoup d’autres pays. Un lettré m’a affirmé que tout Birman sait lire, écrire et compter ; que beaucoup traduisent le « pâli, » langue sacrée, dans laquelle on écrit le « Wini, » livre de la loi bouddhique. C’est en cela, d’ailleurs, que consiste, en général, toute la science des bonzes qui sont, dans chaque village, à la tête d’une école. Sous les rois, non seulement tous les garçons, obligés d’être poonghee, recevaient une instruction qu’on n’avait pas partout, il y a quarante ans, dans nos campagnes de France, mais, ce qui est encore plus extraordinaire, dans chaque village, les filles elles-mêmes recevaient, d’un vieil instituteur, une certaine instruction primaire. J’ai constaté par moi-même que toutes ces marchandes de légumes et autres objets qui remontent avec moi l’Irrawaddi sur les grands bateaux-bazars, et qui pour la plupart ont été élevées sous les rois, savaient lire, écrire et faire leurs comptes. Et, je les ai vues toutes, avec admiration, faire leurs calculs, à l’aide d’un crayon blanc, sur un livre de carton noir monté en accordéon.

Les Anglais, en Haute-Birmanie, n’ont encore fait que peu de chose pour l’instruction publique, surtout en ce qui regarde les filles, dont s’occupe presque seule la mission catholique.

Les Birmans excellent à travailler l’argent et à sculpter le bois ; leurs travaux sont renommés. Depuis les grands bateaux birmans, aux hautes poupes relevées de toute la hauteur d’un étage, entre leurs montans renversés, richement sculptés, jusqu’à la décoration de tous les toits, souvent au nombre de sept dans les pagodes et les monastères, jusqu’aux porches des temples ornés de superbes baldaquins, tous les bois sont fouillés avec une délicatesse et une patience extrêmes. Les figures ne manquent ni de finesse, ni d’intelligence, ni d’esprit amusant. On voit des personnages, des cavaliers, des chars attelés de bœufs dans des reliefs extraordinaires, qui se détachent sous des feuillages finement ajourés. Tous leurs Bouddhas de marbre, d’albâtre ou de bois doré, laissent bien loin derrière eux les Bouddhas vulgaires et sans expression du Siam et de Bangkok.

La Birmane est jolie, généralement élancée, souple, élégante, toujours vêtue de soie ; car il n’est si pauvre, homme ou femme, qui n’ait eu au moins un costume de soie dans sa vie. Elle s’enveloppe dans une pièce de soie, légèrement croisée par devant et traînant à terre. Un vague corsage blanc, ou à dessins de couleur,