ligne de chemin de fer directe de 263 kilomètres permet, en une nuit, de regagner le grand fleuve. Au-dessus de Prome seulement, je commence à remonter l’Irrawaddi. Ce fleuve peut être comparé au Yang-tse-Kiang. Il coule, tel qu’un grand lac en marche, au milieu d’une large vallée sablonneuse, aux paysages reposans, mais médiocrement pittoresque et beaucoup moins lumineuse que celle du Nil.
Les couchers de soleil cependant présentent chaque jour, sur le ciel bleu vif qui est particulier à l’extrême Orient, de grands effets de nuages gris ombrés de pourpre et d’or. Avec le crépuscule, les nuages légers et minces prennent un ton bleu sombre et restent frangés de flammes, qui vont en diminuant comme un foyer qui s’éteint, jusqu’à ce que la nuit soit venue.
La rapidité des crues dans ces grands fleuves, qui prennent leurs sources aux sommets orientaux du Tibet, et les déplacemens des sables rendent la navigation toujours difficile et les escales pittoresques, incertaines et incommodes. Le changement continuel des eaux ne permet pas, sur beaucoup de points, de savoir exactement où stoppera le steamer. Et c’est un tableau rempli de mouvement et de couleur que ces hautes falaises de sable aux pentes escarpées et tapissées par des centaines de coolies plus ou moins vêtus de leurs tatouages, qui grimpent en portant sur le dos de lourds sacs de riz et des caisses de marchandises. Ils hèlent avec ensemble pour hisser jusqu’au sommet, à l’aide de cordes, de lourdes barriques de pétrole, à raison d’une soixantaine d’hommes pour une futaille. Les marchandises déchargées sont entassées de-ci, de-là, se maintenant l’une l’autre pour laisser une voie libre à l’armée des chargeurs. Entre temps, une foule vêtue de couleur claire, le foulard rose tordu autour de la tête des hommes pour dégager un immense chignon, se presse au bazar ambulant de notre grand bateau, tandis que les corbeaux et les grands vautours plongent du haut de la falaise sur les paniers des vendeuses de fruits descendues sur la rive et emportent toujours quelque butin, malgré les couvercles soigneusement fermés et l’héroïque défense des femmes.
Toutes les anciennes capitales de la Birmanie s’échelonnent sur les rives de l’Irrawaddi. L’histoire moderne de ce pays est concentrée, avec Saraing, Ava, Amarapura, et Mandalay, dans le plus grand coude du fleuve, entre le delta et Bhamo. A Tagoung, lieu d’origine du bouddhisme birman, trente-cinq rois se succédèrent