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Débats, les Archives philosophiques, politiques et littéraires, le Spectateur et le Lycée français la matière de plusieurs volumes de prose et de poésie. Odes, élégies, épîtres, bouts-rimés, madrigaux, imitations et traductions, articles de critique[1], pamphlets, récits de voyages, tout lui était bon pourvu que son esprit fût en campagne. Et c’est à cheval sur Pégase qu’il faisait les six heures d’exercice par jour que lui avaient ordonnées les médecins. Quand il était lassé, quand il n’en pouvait plus, il empruntait la main de son jeune frère, qu’il avait fait venir auprès de lui pour achever son éducation. Plusieurs de ses articles de polémique sont demeurés célèbres et se lisent encore avec un réel plaisir. De ceux-là sont Guerre à qui la cherche, ou Petites lettres sur quelques-uns de nos grands écrivains par un ami de tout le monde, ennemi de tous les partis, et sa Lettre à Benjamin Constant. Dans Guerre à qui la cherche, — c’est ainsi qu’il désignait les ultras, — il faut l’entendre parler du rôle de la presse. On dirait que les lignes suivantes s’appliquent aux journaux et à la situation d’aujourd’hui : « On lit beaucoup en France. Les journaux et les brochures politiques sont des espèces de tribunes publiques, d’où les écrivains parlent à la nation entière et forment ses opinions. Car ceux-là mêmes qui ne lisent pas se rangent insensiblement à l’avis de ceux qui lisent ; c’est donc aux écrivains principalement de s’efforcer d’accomplir parmi nous l’œuvre de la réconciliation ; noble tâche, s’il se trouve quelqu’un qui essaie sincèrement de la remplir, et malgré toutes les difficultés apparentes, tâche facile encore au vrai zèle et à la bonne foi. Mais les journaux manquent d’autorité, parce que, à tort ou à raison, on ne les croit généralement ni assez désintéressés, ni assez indépendans ; et cette idée, juste ou non, n’étant pas de nature à s’évanouir promptement, mettra longtemps un obstacle insurmontable au bien qu’ils pourraient faire. Toute la ressource est donc dans l’influence des écrivains politiques, un peu accrédités. Avec deux qualités, je le répète, sincérité et désintéressement, ils peuvent être les

  1. Ses meilleurs morceaux de critique sont ceux qu’il a consacrés aux poésies d’André Chénier et de Lamartine et aux odes de Pindare. « Parmi les morceaux de littérature classique que Charles Loyson donna aux Archives, dit Sainte-Beuve, il en est deux sur Pindare qui sont à mentionner. M. Cousin en fait grand cas, et. en effet, Loyson a le mérite d’avoir, sans appareil d’érudition ni, comme on dit, d’esthétique, démêlé la poésie de Pindare et compris l’espèce d’unité vivante qui animait ses odes. Il voudrait qu’en tête de chacune, le traducteur mit un avant-propos ou argument qui préparât le lecteur, précisément ce qu’a si bien fait M. Cousin en tête de chaque dialogue de Platon. » (Portraits contemporains, t. III.)