Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fort difficile de trouver des coopératrices désintéressées et constantes pour les besognes grossières et sans auréole : il y aurait sans doute des volontaires pour des dangers, mais où sont-ils pour les dégoûts obscurs ? et où les devoirs de l’obéissance dans un culte fondé sur la négation de la discipline ?

Toutes ces imperfections sont absentes de la charité catholique. Le principe d’autorité, qui est la force du catholicisme, mêle à toutes ses œuvres son ciment. Une raison informée et qui dispose chaque espèce d’activité comme un élément d’un ordre général, a fait le sage équilibre entre les œuvres d’enseignement et les œuvres de miséricorde, et, soit qu’elle compte le nombre des intéressés, soit qu’elle pèse la dignité du devoir, elle ne préfère pas la science à la charité. Grâce aux ordres religieux, faut-il des ressources, elles se rassemblent ; des aptitudes, elles se préparent ; des dévouemens, ils sont prêts. Cet esprit d’obéissance assure le recrutement perpétuel et joyeux des fonctions les plus répugnantes, et cette fidélité aux tâches humbles, sans laquelle il n’y a ni soulagement, ni pitié vraie pour les malheureux. Enfin comme la vie religieuse choisit ses élus dans toutes les conditions, y compris les plus élevées, et qu’à la dignité de la vocation se joint, par surcroît, en nombre de ces femmes, la dignité d’un rang oublié par elles mais demeuré visible aux malheureux, elles gardent, jusque dans l’exercice des actes vulgaires, un prestige, elles peuvent mêler aux services les plus bas les conseils les plus élevés, et chacune de leurs bontés tombant de haut pénètre plus profondément dans l’âme. L’abandonné sent, à devenir l’objet de la sollicitude de telles servantes, l’honneur qu’éprouvaient autrefois ces pauvres dont les pieds, le jeudi saint, étaient lavés par des reines. Voilà pourquoi l’œuvre de charité, plus encore que l’œuvre d’enseignement, a été une victoire catholique.

Et cette victoire catholique est une victoire française. Sur les trois mille religieux et religieuses qui vivent en Orient, deux mille cinq cents appartiennent à la France.


Ce grand effort a fait germer dans cette terre d’immobilité deux sentimens nouveaux.

Chaque religion, bien qu’elle se voilât sous ses œuvres, comptait grandir de la gratitude obtenue par elles. Or, sans doute, les services rendus ont amené aux orthodoxes, aux protestans, aux catholiques des catéchumènes. Mais, dans la masse des