que nos conseils tirent autorité de notre prestige, tant que les vaincus se contentent de peu.
Mais le sentiment de leur droit grandissait aux dépens de leur docilité. Le Turc, récompensé de la sienne par la perte successive de ses Etats, pénétrait la duperie d’une douceur qui lui liait les mains et déliait celles de ses captifs. Notre œuvre conciliatrice prit fin en 1870 avec notre prépondérance. Depuis, se sont heurtées la volonté des races à obtenir l’autonomie et la volonté du vainqueur à garder ses conquêtes. Le Sultan a rendu toute sa foi à la force, et l’odeur du sang l’a rendu lui-même à la férocité atavique : au lieu de détruire les abus, il détruit ceux qui se plaignent, il tue pour vivre. Et les nations menacées de mort gardent un espoir plus fort que la crainte ; même après les guerres heureuses le domaine du Turc s’amoindrit ; elles le jugent condamné, puisque la victoire lui est funeste comme la défaite ; elles n’attendent plus sa justice, mais sa fin. Entre ces adversaires, il y a de l’irréparable, et jusqu’à l’anéantissement des nationalités ou à leur victoire, le conflit ne s’apaisera plus.
Ces changemens imposent une évolution nouvelle à notre politique. Le temps n’est plus de rajeunir les compromis qui assoupissaient l’incompatibilité de nature entre le Turc et les races sujettes. Rester étranger à leur querelle serait la plus mal habile des conduites, car ceux-là seuls qui n’ont besoin de personne sont excusables de ne servir personne. Entre le Turc et les races chrétiennes, l’heure est venue d’opter.
Opter pour le Turc serait démentir les principes qui ont fait notre honneur, éteindre dans le sang des peuples le flambeau dont nous éclairions leurs ténèbres. Pour payer une si mauvaise action il faudrait de bien grands avantages ; nous n’avons pas à les espérer du Sultan. Sans doute il sait le prix d’une amitié qui lui permette d’être cruel avec sécurité. Mais il a trouvé cette amitié. Il ne reste à prendre dans les futures exécutions que des rôles et des profits subalternes : ce ne serait pas assez pour la France que de devenir valet de bourreau. Tout la pousse donc vers les peuples et la sollicite à chercher comment elle leur sera utile sans se nuire.
Le premier obstacle à la délivrance vient des races mêmes qui la demandent. Elles sont multiples et trois d’entre elles aspirent non seulement à l’émancipation, mais à l’hégémonie. Les Grecs, maîtres de l’Etat et de l’Eglise aux jours de Byzance, sont encore présens par leurs colonies dans toutes les grandes villes,